Les militants refusent de partir de cette zone, véritable expérience d’autres modes de vie. 

Après plusieurs années de conflits et d’attente autour du futur projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le gouvernement devrait bientôt trancher sur la question. Trois médiateurs étaient chargés par le gouvernement d’étudier les différentes solutions. Le 13 décembre, ils ont enfin remis leurs conclusions et jugent « raisonnablement envisageables » à la fois le réaménagement de Nantes-Atlantique et la construction de nouvelles infrastructures dans la petite commune de Notre-Dame-des-Landes. 

Le premier ministre, Edouard Philippe, a assuré que le gouvernement prendrait une décision « claire » et « assumée d’ici la fin du mois de janvier ». Mais selon les fuites, réaménager l’aéroport existant coûterait en réalité deux fois moins cher que ce qui était prévu, ce qui donnerait raison aux opposants.

« Nous ne luttons pas simplement contre le projet d’aéroport, mais aussi contre le monde qui va avec »

Ces opposants, installés dans leur « zone à défendre » depuis 2009, sont aussi appelés « zadistes ». Et même si le projet d’aéroport ne voit pas le jour, ils sont bien décidés à rester à Notre-Dame-des-Landes, malgré les menaces d’expulsion du gouvernement. En effet, le délégué général de la République en marche (LREM) Christophe Castaner, a affirmé que l’évacuation du terrain de Notre-Dame-des-Landes s’effectuerait indépendamment du choix de construire ou non un aéroport sur ce site.

Aujourd’hui, se sont plus de 300 personnes qui occupent cette zone, qui s’étend sur plus de 1200 hectares agricoles, dont 800 qui appartiennent à l’Aéroport Grand Ouest Vinci. Les militants de Notre-Dame-des-Landes y ont aménagé un vrai lieu de vie, où ils préservent la biodiversité. La ZAD compte ainsi quelques 80 lieux d’occupation, qui fonctionnent de manière globale sur un principe d’autogestion. Et c’est bien pour cela que les occupants ne veulent pas partir. 

« Nous ne luttons pas simplement contre le projet d’aéroport, mais aussi contre le monde qui va avec. S’ils exigent un départ des occupants, personne ne bougera. Les gens sont déterminés à rester car les expériences d’autogestion sont très rares et nous avons réussi à en mener une à grande échelle. La ZAD est une vraie alternative», témoigne Camille, un habitant de cette zone. 

Une expérience d’autogestion mais aussi un laboratoire politique

La ZAD comprend aujourd’hui de multiples activités, entre autres des pratiques agricoles et artisanales collectives. On y cultive du blé, des légumes. On produit du pain, de la bière, des pâtes. Et toutes les productions sont mises à disposition, à prix libre, sur un marché chaque semaine. Car dans la ZAD on lutte aussi contre les effets de l’économie marchande, afin que tout le monde puisse manger, quel que soit ses revenus.  La ZAD a sa radio, son site, son épicerie, un atelier couture, un projet de restaurant… Et des activités militantes sont organisées régulièrement, car la ZAD est également un  ‘laboratoire’ politique. 

« Tous les jeudis soir, nous nous réunissons pour discuter. Nous fonctionnons sans hiérarchie, en nous mettant d’accord. Nous n’avons ni chartes, ni règles. Nous résolvons chaque problème au cas par cas, et jusque là ça ne marche pas trop mal, même si nous sommes de différents bords politiques », raconte Camille. 

Désormais, les opposants doivent se concerter pour trouver une réponse commune face au gouvernement et organiser leur résistance. Une manifestation est notamment prévue le 10 février prochain. La secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, Brune Poirson, a tenu à calmer les tensions. «  Nous voulons une issue pacifique, nous tendrons la main aux zadistes », a-t-elle indiqué sur BFMTV. Eux aussi se disent prêts à discuter.

2 500 gendarmes devraient être réquisitionnés pour évacuer la zone 

Mais selon les mots de Brune Poirson, la ZAD est une « zone de non droit », un « camp retranché » et le gouvernement restera ferme quant à l’expulsion des militants. Ces derniers sont d’ailleurs très redoutés pour la possible violence dont ils pourraient user. On dit qu’ils détiendraient des armes, et qu’il existerait aussi des stocks de mortier, de l’acide et des bidons enfouis dans des tranchées. 2.500 gendarmes mobiles devraient donc être mobilisés pour l’opération d’expulsion. 

« Oui nous avons des cocktails molotov, mais les gendarmes sont suffisamment protégés pour y faire face. Nous, nous nous défendons à mains nues pour un lieu et une communauté. Ils ne faut pas inverser les rôles. En 2012 le préfet de l’époque est venu (1ère tentative d’évacuation de la zone qui a échoué ndlr) et a parlé de nous comme des gens agressifs et violents. Mais ce sont les forces de l’ordre qui nous ont attaqué. Ils sont arrivés avec des armes de guerre comme la grenade S4 », se rappelle Camille, qui vit depuis plusieurs années maintenant sur le site. 

Si le projet d’aéroport est abandonné, les occupants, militants et agriculteurs devront aussi s’interroger sur ce qu’ils veulent faire de la ZAD et de ses 1 250 hectares de terre. Mais quel que soit l’avenir de la zone, ces années auront été une véritable « expérience sociale » pour Camille : « On rencontre beaucoup de gens. Mais on apprend aussi beaucoup sur la nature, sur les plantes et notamment lesquelles servent à se soigner. J’ai appris à construire des maisons de manière écologique et durable. Ici, c’est une école à ciel ouvert. »