Le voyage devait être tenu secret. Cinq membres du Sénat et un député français se sont rendus au Yémen incognito. Sauf que l’un d’eux n’a pas résisté à l’envie de partager les photos de ce séjour qui fait déjà polémique. Car cette visite de parlementaires français a été « orchestrée par Riyad avec l’aval du Quai d’Orsay », précise Le Point, qui révèle l’information.

Un point de vue saoudien du conflit au Yémen

Le sénateur Hervé Maurey a raconté ses vingt-quatre heures passées dans ce pays en guerre. « Le Yémen connaît l’un des des plus grands drames humanitaires actuels », écrit le parlementaire, avant de dénoncer « les autorités locales et militaires » qui enrôlent des enfants dans leurs « milices. »

Un post dans lequel le sénateur épargne Riyad, à la tête d’une coalition qui a déjà tué au moins 10 000 civils houthis, dont de nombreuses femmes et des enfants, selon le Centre des droits et du développement yéménite.

Mais que sont venus faire les parlementaires au Yémen ? Selon Le Point, c’est l’Arabie Saoudite, à la tête de la coalition qui bombarde de Yémen, qui a organisé et financé leur voyage. Au magazine, Nathalie Goulet, qui est à l’origine du déplacement, assure  qu’elle n’a « pas eu de rendez-vous avec les autorités saoudiennes » et indique n’être passée par l’Arabie Saoudite que « pour prendre un avion militaire de la coalition et nous rendre à Marib, ville du centre du Yémen, qui était l’objectif du voyage. »

Sauf que le compte Twitter de l’ambassade de France à Riyad annonce l’inverse : « La délégation aura de nombreuses réunions pendant sa présence dans le royaume », peut-on lire sur un post daté du 25 mai.

« Nous ne sommes pas là pour être les idiots utiles de l’Arabie saoudite »

Pour Fabien Gouttefarde, député LREM et président du groupe d’amitié France-Yémen à l’Assemblée lui aussi du voyage, cette invitation par la coalition saoudienne était au contraire une « opportunité de voir une partie de la réalité de ce conflit. » Une partie seulement car le groupe était évidemment encadré par des officiels saoudiens. « Nous ne sommes pas là pour faire la publicité ou être les idiots utiles de l’Arabie saoudite », affirme cependant Fabien Gouttefarde.

Mais ce voyage de parlementaires en Arabie Saoudite puis au Yémen pose tout de même question : les élus français peuvent-ils relayer la propagande du royaume sans discernement ? Nathalie Goulet se dédouane en rappelant que « tout s’est organisé en accord avec le Quai d’Orsay pour préparer la grande conférence humanitaire sur le Yémen voulue par le président Macron. » Le Quai d’Orsay, lui, a préféré laisser les parlementaires se dépatouiller avec la polémique sans intervenir, tant ce voyage payé par MBS sent le soufre. Quant au royaume wahhabite, son but est atteint : les parlementaires ont relayé ses informations sans se rendre compte de la complexité d’un conflit qui dure depuis plusieurs années maintenant.