La guerre du Yémen allie de manière unique tragédie et hypocrisie. Il y a d’abord les pertes civiles, au nombre de 4 000. Puis vient l’investissement. Pour cette guerre, le royaume saoudien qui prétend ne pas pouvoir payer ses dettes aux entreprises de construction aurait dépensé plus de 250 millions de dollars par mois. Et c’est maintenant que débute la comédie noire. Dans ses bombardements, l’Arabie Saoudite a désormais décidé d’inclure les vaches, le sorgho et les fermes.

Pourquoi s’en prendre à l’agriculture ? En réalité, aussi horrible que le projet puisse être, il fait sens pour les Saoudiens, leurs conseillers et leurs alliés. En effet, si ces derniers s’en prennent délibérément aux activités agricoles du Yémen et qu’ils réussissent à léser le pays à ce niveau, le Yémen d’après-guerre ne sera pas seulement ravagé par une terrible famine, mais sa survie dépendra totalement des importations alimentaires. Le fait que le Yémen ait longtemps fait partie de la “guerre par procuration” de l’Arabie Saoudite contre les chiites et surtout l’Iran – accusé, sans preuves, de fournir des armes aux Houthis yéménites – s’est aujourd’hui docilement inscrit dans le récit du Moyen-Orient sectaire, où les “bons” rebelles d’Alep se battent contre les “mauvais” rebelles de Mossoul. Il en est, malheureusement, de même pour les bombardements des civils, observés dans le plus grand silence et l’impunité la plus totale.

L’assassinat du Yémen, les violations de l’Arabie Saoudite, et le silence du monde

Des universitaires ont collecté des données du Yémen, qui suggèrent fortement que l’opération militaire saoudienne à l’encontre du pays a aussi comme projet de détruire l’existence et la subsistance rurales. Martha Mundy, professeur émérite de la London School of Economics, qui travaille actuellement au Liban avec Cynthia Gharios, a mené des recherches à travers le Ministère de l’Agriculture yéménite, et constate que les données collectées “commencent à indiquer que dans certaines régions, les Saoudiens frappent volontairement des infrastructures agricoles, dans le but de détruire la société civile”. Martha Mundy renseigne que les Saoudiens ont opéré plus de 360 bombardements, dans 20 provinces, visant des fermes, des animaux, l’infrastructure hydraulique, des magasins alimentaires, des banques agricoles, des marchés et des transports alimentaires.

D’après l’organisation pour l’alimentation et l’agriculture, près de 3% des terres yéménites sont cultivées. Pour frapper avec succès ce petit territoire agricole, il faut bien le cibler.”, a déclaré M.Mundy.  L’Arabie Saoudite a déjà été accusé de crimes de guerre, mais en bombarder les terres agricoles du Yémen et en préméditant, avec un tel flegme, l’inanition de civils, le Royaume se surpasse et brise encore ses promesses. En effet, les Saoudiens avaient signé le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949, qui stipule spécifiquement qu’il est “interdit d’utiliser contre les civils la famine comme méthode de guerre, d’attaquer, de détruire, d’enlever ou de mettre hors d’usage des biens indispensables à la survie de la population civile, tels que des denrées alimentaires et les zones agricoles qui les produisent, les récoltes, le bétail, les installations et réserves d’eau potable et les ouvrages d’irrigation, en vue d’en priver, à raison de leur valeur de subsistance, la population civile ou la Partie adverse, quel que soit le motif dont on s’inspire, que ce soit pour affamer des personnes civiles, provoquer leur déplacement ou pour toute autre raison.” Il y a de nombreuses photo de fermes détruites, d’animaux morts gisant sur les champs, autrefois agricoles, aujourd’hui de bataille. Pourtant, le silence autour de la tragédie du Yémen, se fait de plus en plus lourd.

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