L’Arabie Saoudite n’est pas avare en records, qu’ils soient d’ordre économique, financier ou social. C’est notamment le seul pays au monde où il est strictement interdit aux femmes de conduire. Rien de bien surprenant au pays de l’islam wahhabite le plus rigoriste, où la moitié féminine de ses habitants a toujours été considérée comme des citoyennes de second rang. Plus surprenant, en revanche, est la multiplication des voix critiques envers ces lois rétrogrades et la dernière en date, celle du richissime prince Al Waleed bin Talal, n’en est pas des moindres.

Membre de la famille royale régnante,Al Waleed bin Talal a publié sur son site web une lettre ouverte intitulée « Il est grand temps que les Saoudiennes puissent commencer à conduire leur voiture ». Sur quatre pages, il passe en revue les arguments – et surtout, les paradoxes – économiques, financiers, sociaux, politiques et religieux qui justifient selon lui cette nécessaire évolution. « Empêcher aux femmes de conduire une voiture aujourd’hui est une question de droits humains, au même titre que leur interdire l’accès à l’enseignement ou à bénéficier d’une identité propre », expose le prince. « Il s’agit d’actes injustes d’une société traditionaliste, plus restrictive que ce que permettent légalement les préceptes de la religion. »

Une interdiction qui coûte 1000 dollars par mois

Al Waleed bin Talal entame sa démonstration par les arguments financier et économique – auquel, semble-t-il, les autorités sont le plus sensible. Détaillant le coût supporté par le pays pour une telle mesure, le membre des Saoud estime que l’interdiction faite aux femmes de conduire entraîne un surcoût d’environ 1000 dollars mensuels, une somme qui inclut la rémunération d’un chauffeur. Généralement de nationalité étrangère, donc immigré, donc exportateur de devises : soit un autre surcoût pour l’Etat. Dès lors, permettre aux femmes de conduire se traduirait pour le prince par des économies substantielles et pour le portefeuille des ménages, et pour les caisses de l’Etat. L’argument est moins prosaïque qu’il n’y paraît : dans l’espace public, toute femme doit être chaperonnée par un mahram, un membre masculin de sa famille (mari, père, frère). Il est fréquent que les travailleurs saoudiens abandonnent leur poste en pleine journée pour conduire leur épouse, fille, ou soeur à une consultation médicale ou pour effectuer une course quelconque. L’argument financier et de productivité s’avère donc recevable.

Revenant sur les fatwas relatives à l’interdiction de conduire pour les femmes, qu’il qualifie d’infondées et « produits d’un autre temps », le prince bin Talal n’hésite pas à mettre en avant leur paradoxe inhérent, dans la mesure où elles autorisent un parfait étranger à faire office de chauffeur pour ces dames. Auteur d’une initiative louable, l’homme d’affaires saoudien épuise tous les arguments pour faire évoluer la législation. Mais tout séduisant qu’il soit, ce long plaidoyer se termine… en queue de poisson. S’il voit d’un bon oeil la présence de conductrices sur les routes, le prince apporte des limites. Et de taille. Les Saoudiennes ne devraient pas, selon lui, conduire des camions ou tout autre véhicule « de plus grandes dimensions que celles d’une voiture ». Ce qui laisse, toutefois, de la marge, si l’on se réfère à la profusion de pick-up et autres Hummer sur les artères saoudiennes. Mais, plus embêtant, le milliardaire ne conçoit pas que les femmes soient autorisées à s’aventurer en dehors des centres urbains. Et milite pour le recrutement d’agents de police féminins pour qu’elles procèdent aux contrôles des conductrices. Laisser conduire ou se dédire, il faut choisir…

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