La Turquie n’en voit toujours pas la fin. La purge entamée depuis la mise en échec du coup d’Etat du 15 juillet 2016 se traduit, cette semaine encore, par le licenciement de 4 464 fonctionnaires de l’administration publique, par décret exécutif pris dans le cadre de – et grâce à – l’état d’urgence. Comme le justifie le président Recep Tayyip Erdogan, les autorités poursuivent leurs efforts d' »éradication du virus ». Des efforts concentrés avant tout sur la mise en pièces du réseau du meilleur ennemi et ancien allié politique d’Erdogan, Fethullah Gülen. Le théologien, qui s’est exilé et réside actuellement aux Etats-Unis, est accusé par le chef d’Etat turc d’être l’instigateur du soulèvement militaire avorté de l’été dernier. Un prétexte tout trouvé pour mener une campagne de purges sans précédent dans les différentes administrations et institutions officielles, soupçonnées d’être noyautées par des sympathisants de Gülen. En sept mois, ce sont plus de 125 000 Turcs qui ont été renvoyés de leur emploi ou mis à pied. Le dernier décret, pris mardi dernier, a ciblé en particulier, et une nouvelle fois, le ministère de l’Education : plus de la moitié des personnes concernées – 2 585 exactement – en sont fonctionnaires, parmi lesquels 330 universitaires. L’un d’eux, Ibrahim Kaboglu, professeur de droit constitutionnel à l’université de Marmara, s’était montré critique envers le pouvoir, en dénonçant des violations constitutionnelles de la part du parti Justice et Développement (AKP) du président Erdogan.

Cible n°1 : le ministère de l’Education

Des licenciements massifs qui ont aussi emporté de fervents supporters du président turc. Nihat Özmen, qui se déclare électeur de l’AKP et qui a fait partie des charrettes, a publié un tweet d’incompréhension et de protestation sur les réseaux sociaux, devenu viral : « Jusqu’à aujourd’hui, si le « Reis » (surnom donné aux partisans d’Erdogan) m’avait demandé de mourir, je lui aurais obéi. » Si la purge a affecté la quasi-totalité des services publics, c’est surtout l’Education qui en a été la principale victime : non seulement des milliers d’enseignants et de fonctionnaires ont-ils vu leur carrière brusquement brisée mais ces renvois se sont traduits par la fermeture de plus de 2 000 établissements universitaires, secondaires et primaires et de résidences étudiantes. Outre ces fonctionnaires, l’ultime décret signé par Erdogan a sonné le glas pour les représentants des forces de sécurité : 893 employés de Gendarmerie, 417 agents de la Direction générale de la Sécurité et 49 du ministère de l’Intérieur. Des fonctionnaires des Affaires étrangères et de la Justice ont aussi été emportés par cette dernière vague de purges.