Les Forces Armées Turques (TSK) ont annoncé hier ce mercredi la fin de l’interdiction imposée jusqu’à présent aux militaires turques voilées d’ôter leur hijab durant l’exercice de leur fonction. Le ministère de la Défense a néanmoins accompagné cette mesure de certaines règles incontournables : choisir un hijab de couleur assortie à l’uniforme, le porter en-dessous du couvre-chef réglementaire et, surtout, ne pas couvrir le visage. Une autorisation qui s’applique à toutes les militaires femmes, quels que soient leur grade, leur statut ou leur position hiérarchique dans l’armée. La disposition, qui entrera en vigueur dès sa publication au Journal Officiel, introduit une petite révolution dans le saint des saints du sécularisme républicain turc, instauré par Atatürk. Et ce, même si les femmes militaires ne représentent que 3,3% des TSK, selon un dernier recensement opéré en décembre 2014 – soit bien avant les purges ordonnées par Erdogan depuis juillet 2016 – alors que cette armée est la deuxième plus importante de l’OTAN après celle des Etats-Unis.

Objectif : museler l’armée

La levée de cette restriction historique couronne la longue campagne menée par les forces islamistes depuis le coup d’Etat de 1980, visant à réintroduire le port du voile religieux dans l’espace public. En 1982, une loi concernant les fonctionnaires de l’armée autorisait les employées civiles des corps militaires turcs à conserver leur hijab. Une première brèche avait été ouverte dans cette institution sacralisée et fondée en 1923 par Mustafa Kemal Atatürk. Le même Atatürk qui avait également proscrit tout habit religieux dans les domaines de l’éducation, de la politique et, plus généralement, dans l’appareil d’Etat. Or, à partir de 2002, les gouvernements successifs du Parti de la justice et du développement (AKP) dont est issu le président Erdogan ont voulu « réparer l’offense [infligée] à nos soeurs musulmanes », en levant progressivement toutes les interdictions relatives au port du voile dans l’administration et dans les lieux publics, finalement abolies en septembre 2013 par celui qui n’était encore que Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan. Universités, lycées, barreau puis, plus récemment, justice et police ont été concernés. Et le chef de l’Etat ne compte pas arrêter là son emprise sur ce bastion du kémalisme, par essence réfractaire au pouvoir islamiste : en lançant une campagne pour un référendum constitutionnel, Erdogan entend s’assurer du contrôle de l’armée – qu’il soupçonne d’avoir contribué au coup d’Etat avorté contre lui l’été dernier – et de son indépendance vis-à-vis d’elle.