Lorsqu’une personne est fichée « S » par la police, elle n’est pas seulement surveillée, mais elle vit comme « dans une prison » à ciel ouvert, décrit l’un d’eux à l’AFP, sous couvert d’anonymat.
Fiché « S », d’après lui à la suite d’une altercation avec des policiers, ce jeune homme a perdu son travail à deux reprises après que la police a averti son employeur de son statut.
L’Etat tunisien a renforcé sa lutte contre le terrorisme, notamment après une série d’attaques meurtrières en 2015, et la situation sécuritaire s’est améliorée, mais les militants des droits humains appellent à mieux l’encadrer légalement.
« Un système de surveillance kafkaïen ne promeut pas la sécurité, mais risque au contraire de nourrir l’extrémisme violent », a averti Gerald Staberock, secrétaire général de l’OMCT, lors d’une conférence de presse à Tunis.
Interpellations à répétition, assignations à domicile, perquisitions, interdiction d’obtenir des papiers d’identité ou encore immobilisation lors de chaque déplacement: être fiché « S » entraîne, selon l’OMCT, un « harcèlement policier » et des mesures « disproportionnées », en l’absence d’enquête ou de condamnation judiciaire.
Les personnes fichées n’en sont informées qu’à l’oral, mais elles ne connaissent pas l’ampleur des restrictions ni la raison pour laquelle elles y sont soumises.
Certains le sont après avoir été soupçonnés de faits de « terrorisme », même s’ils ont été rapidement blanchis, d’autres après qu’un membre de leur famille a rejoint des groupes extrémistes. Mais parfois, les raisons restent floues.
« Toute restriction de liberté doit se faire dans un cadre légal clair, qui précise les droits de la personne visée et ses moyens de recours, ce qui n’est pas le cas » aujourd’hui, a souligné le vice-président de l’OMCT en Tunisie, Mokhtar Trifi.
D’après lui, ces mesures administratives aux conséquences dévastatrices ne sont encadrées par aucune loi.
Si le ministère de l’Intérieur lui-même dit ne pas avoir de chiffres sur le nombre de personnes fichées, l’OMCT l’estime à plusieurs milliers, voire dizaines de milliers.
Amnesty avait fait état de 30.000 personnes soumises à de sévères restrictions au droit de circuler depuis 2013 en Tunisie, notamment dans le cadre du fichage « S », s’appuyant sur des déclarations de dirigeants gouvernementaux.