Les bureaux de vote tunisiens semblaient, en ce début de dimanche, très vides. Une tendance qui s’est rapidement confirmée. Avec un taux de participation à peine supérieur à 40 %, les législatives tunisiennes n’ont pas attiré les foules. Marqués par une campagne présidentielle désastreuse — avec un finaliste en prison et le second finaliste qui refuse de faire campagne —, les électeurs ont tenté de faire le meilleur choix possible dans les urnes. Mais avec une multitude de listes et des partis traditionnels boudés, on attendait surtout un duel Ennahdha-9lb Tounes. Les deux partis rivaux ont effectivement bataillé pour obtenir la première place, tous deux ayant assuré, dans la soirée de dimanche, être arrivés en tête des législatives.

Mais l’enseignement de ce dimanche électoral, c’est la formation prochaine d’une assemblée des représentants du peuple morcelée, qui devrait rendre ingouvernable la Tunisie, à moins d’alliances contre-nature. De nombreux petits blocs ont en effet émergé : d’après les sondages de sortie des urnes, les islamistes d’Ennahdha sont arrivés en premier position et raflent 40 sièges sur les 217 que compte l’assemblée. Le parti de Nabil Karoui devrait, lui, remporter 33 sièges. Les deux formations sont donc bien loin de la majorité. Ennahdha a perdu du terrain et le parlement voit toutes les tendances siéger : le RCD, l’ancien parti de Ben Ali, disposera d’une quinzaine de sièges, les islamistes d’El Karama, de Seifeddine Makhlouf, l’« avocat des terroristes », apporteront certainement leur soutien à Ennahdha, avec leurs dix-huit ou dix-neuf sièges. Tahya Tounes et Nidaa Tounes, deux partis représentatifs du pouvoir actuel ont, eux, enregistré des débâcles.

Mais dimanche soir, l’heure était avant tout à l’amertume : seuls 2 électeurs sur 5 se sont déplacés pour voter. Un taux « acceptable », selon l’Isie, l’instance en charge du bon déroulement des élections. « On aurait aimé qu’il soit meilleur mais c’est le choix du peuple tunisien », a estimé le président de l’Isie, Nabil Baffoun. Un faible taux de participation qui doit beaucoup au « dégagisme » qui vise les élites tunisiennes, alors que la présidentielle a vu se qualifier pour le second tour deux candidats se présentant comme anti-système. Place désormais à ce deuxième tour : toujours emprisonné, Nabil Karoui se présente comme le candidat qui veut gouverner sans Ennahdha, quand le parti islamiste annonce vouloir apporter son soutien à Kaïs Saïed. Reste que, sans majorité à l’assemblée et sans création d’une coalition solide, les électeurs pourraient, dans quelques mois, être rappelés aux urnes pour élire de nouveaux députés. D’ici là, l’assemblée pourrait être le théâtre d’un véritable jeu du chat et de la souris entre les petits blocs parlementaires et les candidats indépendants, qui ont accroché une trentaine de sièges.