« Ce n’est pas l’avocat qui rend une affaire médiatique, ce n’est pas la défense de Monsieur Tariq Ramadan qui a médiatisé cette affaire. » Sur le plateau de « C à vous » jeudi 15 mars, Emmanuel Marsigny déplorait l’omniprésence de la partie civile de l’affaire Ramadan dans les médias. A demi-mots, l’avocat reprochait également à Yassine Bouzrou, défenseur depuis novembre de Tariq Ramadan, de n’avoir pas pris la mesure de cette affaire.

Une visite tardive à la prison de Fleury-Mérogis

Ce mardi, Tariq Ramadan aurait signifié à Yassine Bouzrou que ce dernier ne le représenterait plus. Depuis le 2 février, date à laquelle Tariq Ramadan est en détention provisoire, les relations entre l’avocat et les proches de Tariq Ramadan étaient tendues. Si bien que, alors qu’Emmanuel Marsigny est sur le point d’entrer en piste, Yassine Bouzrou l’appelle un soir pour lui parler du dossier. Cet appel est surtout l’occasion pour Me Bouzrou de parler de l’entourage de Tariq Ramadan qu’il voit d’un mauvais œil. Alors qu’il a touché près de 20 000 euros, il se plaint que la famille du professeur rechigne à lui payer 28 000 euros supplémentaires pour partir en cassation.

Tariq Ramadan et Yassine Bouzrou ne se connaissaient pas vraiment avant le début de l’affaire. L’avocat est recommandé au professeur par des proches, alors que Henda Ayari venait de porter plainte. Lorsqu’il se présente devant les policiers suite à sa convocation, Tariq Ramadan n’a pas été préparé par Me Bouzrou à une éventuelle garde-à-vue, encore moins à une mise en détention provisoire. Incarcéré le 2 février, le professeur ne verra pas son avocat avant plusieurs jours, celui-ci arguant ne pas avoir le permis et n’avoir pu se déplacer. D’après une « fiche de diligences » que nous avons pu consulter, Yassine Bouzrou n’aurait rendu visite à son client que le 7 février. Inacceptable, selon certains proches de Tariq Ramadan, qui démarchent alors d’autres avocats dans le but de remplacer Me Bouzrou.

Le costume était trop grand pour Yassine Bouzrou

Depuis début février, Yassine Bouzrou multiplie les erreurs et offre à l’entourage de Tariq Ramadan une bonne occasion de se séparer de lui. La première d’entre elles est d’avoir écarté le — très suivi — comité de soutien de Tariq Ramadan et de ne pas l’avoir tenu informé de l’évolution de l’affaire. La deuxième, c’est d’avoir informé la presse de l’existence d’un alibi qui aurait pu disculper son client : une réservation de vol qui s’avèrera finalement différente de celle annoncée par Yassine Bouzrou et Julie Granier. « Me Bouzrou a péché par excès de confiance et son inexpérience a joué en sa défaveur, indique un avocat du barreau. Il n’avait jamais eu un dossier aussi important et complexe que celui-ci. Et sa stratégie était illisible, ce qui est difficile à faire passer dans une affaire autant médiatisée. »

Celui qui défendait Tariq Ramadan depuis plusieurs mois ne sera donc plus son avocat. Le costume était un peu trop grand pour Yassine Bouzrou, qui n’a pas mesuré l’importance d’être présent sur les plateaux de télévision. « Dans l’histoire judiciaire, on n’avait jamais vu un tel silence dans une affaire aussi médiatique », ajoute un expert en communication qui décrit pourtant un personnage à la recherche de reconnaissance : dans les dossiers Lactalis et Adama Traoré, Yassine Bouzrou n’a jamais rechigné à se présenter devant les caméras de télévision et les micros des radios. Refuser de s’exprimer dans les médias, laissant ainsi la voie totalement libre aux plaignantes et à leurs avocats, n’a pas été compris par les proches de Tariq Ramadan. Nous avons, de notre côté, tenté à plusieurs reprises de lui poser des questions. Sans succès.

Un combat médiatique entre Szpiner et Marsigny

D’autant que face à l’offensive de Francis Szpiner, nouvel avocat très médiatique de Henda Ayari, le silence de Yassine Bouzrou dans la presse devient de plus en plus inquiétant. Comme on a pu le lire sur les réseaux sociaux, l’intervention de Me Marsigny jeudi 15 mars sur France 5 a rassuré et soulagé les soutiens de Tariq Ramadan, qui ne comprennent pas aujourd’hui que son prédécesseur n’ait pas pointé les incohérences du dossier bien avant. Lundi dernier, alors que son état de santé se dégrade, Tariq Ramadan a décidé de laisser son nouvel avocat reprendre les rênes de l’affaire et d’écarter Yassine Bouzrou qui avait jusque là été malgré tout ménagé.

C’est donc désormais une bataille de ténors qui débute — puisque Francis Szpiner a lui aussi écarté Jonas Haddad et Grégoire Leclerc, moins charismatiques que lui. « Face à Szpiner, Baroin et Saint-Palais, il fallait un attelage d’avocats plus solide », résume un proche du dossier. Plusieurs avocats se seraient d’ailleurs proposés spontanément pour défendre Tariq Ramadan dans ce qui sera sans nul doute l’affaire de la décennie. Il ne serait d’ailleurs pas étonnant de voir ressurgir très prochainement le nom d’Eric Dupond-Moretti, qui a voulu prendre un peu de repos après le très éprouvant procès du frère de Mohammed Merah mais qui n’a jamais été insensible au cas Tariq Ramadan.

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