C’est un stage qui fait couler beaucoup d’encre. Désirant traiter du thème « des oppression » et « de l’antiracisme à l’école », les 18 et 19 décembre prochains à Saint-Denis, le syndicat d’enseignants Sud-Education 93 propose « des conférences et des ateliers pour se forger des outils théoriques et pratiques capables de répondre à cet enjeu pédagogique ignoré et validé par l’institution. » Parmi les ateliers, deux sont en non-mixité : l’un pour avoir les « outils pour déconstruire les préjugés de race, de genre et de classe » et l’autre pour écouter les expériences d’« enseignant-e-s racisé-e-s. »

Il n’en fallait pas moins pour s’attirer les foudres du Printemps républicain. Nassim Seddiki, secrétaire général de cette organisation — ensuite relayé par Fdesouche — a lancé la polémique. Très vite, le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a déclaré ce stage « inconstitutionnel et inacceptable », en parlant d’un « projet d’une réunion syndicale triant les membres sur la base de leur origine. »

Il balaie ainsi le principe de la non-mixité. La sociologue Christine Delphy, au moment de la polémique sur le Camp d’été décolonial, expliquait que, « dans les années 60, (la non-mixité) a d’abord été redécouverte par le mouvement américain pour les droits civils, qui, après deux ans de lutte mixte, a décidé de créer des groupes fermés aux blancs. C’était — cela demeure — la condition pour que leur expérience de discrimination et d’humiliation puisse se dire, pour que la rancœur puisse s’exprimer — et elle doit s’exprimer. »

La non-mixité « libère la parole »

Le syndicat Sud-Education 93, dont le stage affiche complet, a dénoncé dans un communiqué les « attaques sans précédent » dont il est la cible. Alors que le ministre Blanquer a annoncé porter plainte contre le syndicat pour diffamation en raison de l’utilisation du terme de « racisme d’Etat » — alors que le droit français le lui interdit —, Sud-Education 93 dénonce « la coïncidence des agendas des réseaux d’extrême droite et de notre ministère. » Le syndicat affirme recevoir régulièrement des messages téléphoniques d’insultes et rappelle que « les questions abordées par le stage sont des questions essentielles dans l’enseignement aujourd’hui. »

Sud-Education 93 rappelle également que « la non-mixité est un outil. » Seuls deux ateliers sont en effet non mixtes lors de ce stage pour, explique le syndicat, « permettre aux personnes qui subissent le racisme de se regrouper. » « Cet outil de la non-mixité choisie a été mis en œuvre et explicité par la génération fondatrice du Mouvement de Libération des Femmes, écrit l’organisation. Ce qui vaut pour le sexisme vaut également pour le racisme. » Avant de conclure que la non-mixité « libère la parole, la sécurise, permet une mise en confiance » et « donne de la force pour affronter les situations de discriminations et les stéréotypes. » Par ailleurs, le syndicat Sud-Education 93 estime que, au lieu de donner son avis sur son stage, le ministre de l’Education aurait dû préférer s’intéresser « aux manques de moyens dont souffrent l’Ecole et nos élèves. »