« Le monde ne peut pas rester sans rien faire face à un génocide. » Cette déclaration date de décembre dernier. Le Premier ministre malaisien Najib Razak dénonçait alors sans équivoque les massacres de Rohingya par des extrémistes bouddhistes et par la junte militaire birmane. Pour le chef du gouvernement malaisien, « nous devons protéger les Rohingya non pas parce qu’ils pratiquent la même religion que nous, mais parce qu’ils sont des êtres humains. » Une réaction qui tranche avec le silence des pays musulmans voisins de la Birmanie, mais aussi avec les pays arabes bien muets à l’exception de la Tunisie qui a condamné le génocide ce lundi 4 septembre. Côté turc aussi, on exhorte la communauté internationale à agir. « Ceux qui ferment les yeux sur ce génocide perpétré sous couvert de démocratie en sont les complices », a ainsi déclaré le président Erdogan lors de la célébration de l’Aïd el-Kebir.

Bangladesh : le génocide des Rohingya n’est « pas notre responsabilité »

Mais en Asie, le silence semble être la règle d’or. Autre voisin musulman de la Birmanie, le Bangladesh — où les musulmans représentent près de 90 % de la population totale. Après avoir accueilli près de 400 000 réfugiés rohingyas, le Bangladesh a décidé de fermer sa frontière avec la Birmanie. Les déplacés sont régulièrement repoussés par les gardes-frontières du Bangladesh et le Premier ministre Sheikh Hasina ne semble pas préoccupée outre-mesure par ce qu’il se passe dans le pays voisin, si ce n’est pour des raisons purement politiques. Dans une interview, elle indique en effet que « le fait d’accueillir un grand nombre de ressortissants de Birmanie est un fardeau pour le Bangladesh. » Sheikh Hasina estime qu’il faut arrêter d’accueillir les Rohingya : « Pourquoi devrions-nous les autoriser à pénétrer dans notre pays ? » demande-t-elle, ajoutant que ce problème « n’est pas notre responsabilité mais celle de la Birmanie. » Et le Premier ministre du Bangladesh de demander à la communauté internationale de mettre la pression sur le gouvernement d’Aung San Suu Kyi.

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L’Indonésie discute avec Aung San Suu Kyi

En Indonésie, enfin, autre pays à majorité musulmane, les habitants ont manifesté le week-end dernier dans plusieurs grandes villes du pays et l’ambassade birmane en Indonésie a dû être placée sous protection policière. Les dirigeants locaux espèrent se poser en médiateurs pour régler la crise : Jakarta a dépêché, en début de semaine, sa ministre des Affaires étrangères en Birmanie, pour une entrevue avec Aung San Suu Kyi et avec le chef des armées Min Aung Hlaing. L’enjeu est avant tout politique : comme au Bangladesh, on espère trouver une solution pour stopper l’afflux de réfugiés. En revanche, du côté de la principale organisation musulmane, Ansor, qui regroupe plus de 80 millions de membres, le soutien demeure très faible. Pour son responsable, Yaqut Cholil Qoumas, la crise humanitaire qui touche les Rohingya n’est pas un conflit interreligieux. L’homme dénonce les « groupes radicaux qui excitent l’opinion publique dans ce sens » et ne semble pas prêt à prendre fait et cause pour les Rohingya.