Humanitaire, française, et musulmane. C’est ainsi que Rachid Lahlou, fondateur du Secours Islamique France, décrit en quelques adjectifs son ONG, active sur le territoire français et à l’international depuis 25 ans. 

Une ONG « au parcours atypique », que son président a souhaité raconter dans un livre paru début mai « Rachid Lahlou : un humanitaire musulman dans la République » (Ed Ateliers Henry Dougier).

« Au début des années 90, avec les évènements d’Algérie, les attentats, la stigmatisation des musulmans etc, l’ambiance était lourde. Il y a eu beaucoup de suspicions autour de notre ONG, due à la couleur musulmane de l’organisation. Mais nous avons su démontrer le sérieux et le professionnalisme de notre travail au fil du temps », explique Rachid Lahlou.

Dans les entretiens du livre, menés par la journaliste Nathalie Dollé, celui-ci revient sur les nombreux obstacles rencontrés par le Secours Islamique France (SIF) dont l’acronyme lui-même (épée en arabe) lui a porté préjudice. 

Quinze ans pour que le SIF soit « lavé de tout soupçon »

Mais le SIF a surtout dû faire face à l’hostilité de l’ancien maire de Montreuil qui invité les équipes du SIF à quitter la ville, à l’assimilation de l’organisation aux « frérots » (Frères musulmans), au coup d’arrêt du développement du SIF marqué par les attentats à Paris en 1995, au contrôle de la Cour des Comptes en 2004, aux accusations de financement occulte du terrorisme par les médias… La liste est longue. 

Les débuts du SIF sont houleux, ponctués par des entretiens réguliers avec la DST (Direction de la surveillance du territoire). Celle-ci a l’UOIF  (Union des organisations islamiques de France) dans le collimateur et surveille donc de près le SIF qui entretient des liens avec l’organisation.  

Une méfiance qui ira même jusqu’à affecter la vie personnelle de Rachid Lahlou, marocain d’origine, en compromettant sa naturalisation.

Il aura fallu plus de quinze ans pour que le SIF soit « lavé de tout soupçon », et considéré comme « une ONG française à part entière » estime son fondateur.   

Avec plus de 100 salariés en France, environ 750 bénévoles, 46 pays d’interventions, 5 centres d’accueils de réfugiés en France, le SIF a tout de même su prendre sa place parmi les associations humanitaires françaises. 

« L’engagement humanitaire musulman relie les valeurs de l’islam à celles de la citoyenneté républicaine »

Un succès que Rachid Lahlou explique par l’indépendance et la neutralité du SIF, par la transparence envers les donateurs, et par une aide sans conditions (une aide apportée aux musulmans comme aux non musulmans), mais aussi par le caractère non prosélyte de l’association, sur lequel insiste son président dans les entretiens. 

Rachid Lahlou est d’ailleurs clair. Si l’organisation s’appuie sur les valeurs de l’islam, « le SIF n’est pas synonyme de mosquée ou réservé aux femmes voilées ne trouvant pas de travail ».

Petit à petit, au Secours Islamique, les campagnes se sont même détachées du calendrier religieux par diverses actions sociales menées toute l’année sur le territoire français. 

Pour Rachid Lahlou, contrairement à « l’extrémisme laïc »  prégnant en France, il est tout à fait possible de concilier islam et action humanitaire. « L’engagement humanitaire musulman relie les valeurs de l’islam à celles de la citoyenneté républicaine », écrit-il. 

La légion d’honneur attribuée à Rachid Lahlou en 2014

Pour preuve, Rachid Lahlou est décoré de la légion d’honneur par Laurent Fabius en mars 2014. Une récompense lourde de sens. Pourtant, les relations avec l’Etat n’ont pas toujours été au beau fixe. 

« Nous avons été malmenés. Mais nous avons toujours voulu nous rapprocher des pouvoirs publics. Beaucoup de préjugés sont tombés et nous sommes devenus des partenaires, avec certains de nos programmes financés par l’Etat français », souligne l’humanitaire. 

Mais l’association n’est pourtant pas à l’abri des préjugés de l’opinion publique. 

« Suite aux attentats en 2015, le local a été tagué. Mais nous n’avons pas été la cible d’agressions ou reçu de courriers d’insultes comme auparavant. Nous avons participé aux manifestations et nous continuons de défendre l’innocence de l’islam », témoigne Rachid Lahlou. 

« Je pense que la meilleure façon de montrer et célébrer ma conception de l’islam, c’est de réussir le mieux possible la mission dont nous nous sommes chargés. Tout simplement », conclut-il.