Les pays membres de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) ont été convoqués aujourd’hui à Kuala Lumpur, en Malaisie, par le Premier ministre Najib Razak. Ordre du jour de cette réunion d’urgence : le traitement de la crise humanitaire vécue par la minorité Rohingya en Birmanie. Près de 70 000 Rohingya ont fui l’Etat Rakhine, en Birmanie, face aux persécutions de l’armée birmane, engagée depuis le mois d’octobre 2016 dans ce qu’elle appelle une vaste « opération de contre-terrorisme ». Décrivant la situation comme « une cause d’intérêt primordial et immédiat », Razak a notamment affirmé que « trop de gens ont perdu leur vie en Birmanie, beaucoup ont souffert le martyre avant de mourir et ceux qui ont survécu aux atrocités ont été témoins ou enduré une cruauté indicible. Rien que cela est une raison pour ne plus rester muets ». Le Premier ministre justifie par ailleurs l’urgence de la situation par le fait que celle-ci peut menacer de créer « un nouveau foyer pour les groupes terroristes », dans la mesure où « des membres de l’armée [birmane] peuvent infiltrer, voire radicaliser, cette communauté opprimée ».

Si l’intention est louable et bienvenue, quelle est au juste la marge de manoeuvre de l’OCI ? Créée en 1969 à la suite d’une attaque volontaire d’un Australien chrétien à la mosquée d’El Aqsa, à Jérusalem, l’organisation, qui regroupe 57 pays musulmans ou à majorité musulmane, vise dans ses statuts à promouvoir la coopération entre ses membres, à préserver les Lieux Saints de l’Islam et à oeuvrer à l’éradication de la discrimination raciale et du colonialisme. Mais en dépit – ou à cause ? – de sa taille et de ses comités à foison, l’OCI dispose de ressources de fonctionnement limitées.

Appel à l’aide humanitaire

Or, l’argent demeurant le nerf de la guerre, le manque de moyens pourrait tuer dans l’oeuf l’initiative du chef du gouvernement malaisien. Des moyens indispensables pour mettre fin à une tragédie qui affecte depuis des décennies le million de Rohingya, minorité musulmane, présents en Birmanie – essentiellement dans l’Etat Rakhine. Considérés par les Birmans de confession bouddhiste comme des immigrés illégaux en provenance du Bengladesh, malgré leur présence en Birmanie depuis plusieurs générations, les Rohingya ne bénéficient de quasiment aucun droit de citoyen – éducation, santé, emploi,… En octobre dernier, après des attaques meurtrières sur des éléments des forces de sécurité dans le district de Maungdaw, dans l’Etat Rakhine, les autorités ont lancé une contre-offensive d’ampleur inégalée et entachée de crimes contre l’humanité – meurtres de civils, viols, tortures, destruction de villages entiers – des accusations que les militaires retournent contre leurs victimes.

Le pays, dirigé par le Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi, a d’ailleurs été interdit d’accès aux ONG et médias internationaux pour constater les faits. Un block-out que Najib Razak a appelé ce matin à lever pour permettre l’acheminement d’une aide humanitaire. Si Kofi Annan a réfuté le terme de « génocide » près sa visite à l’Etat Rakhine, le représentant du Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations Unies au Bengladesh, John McKissick, a confirmé en novembre à la BBC que « la Birmanie recherche le nettoyage ethnique de son territoire de la minorité musulmane« .