Tel un vieux couple au bord du divorce, il aura fallu douze étapes pour que le Fatah et le Hamas trouvent un terrain d’entente. Après une dizaine d’années d’opposition déclenchée par le refus du Fatah de reconnaitre la victoire du Hamas aux élections législatives palestiniennes de 2006, le mouvement de Mahmoud Abbas et le Hamas ont trouvé, jeudi dernier, un accord qui prévoit la formation d’un gouvernement palestinien d’union. L’air de rien, c’est une petite révolution : l’accord signe le retour de l’Autorité palestinienne à Gaza. Du côté de l’enclave palestinienne, l’espoir revient : « Cela fait plusieurs années que la situation économique est devenue difficile, les habitants de la Bande de Gaza espèrent que le retour du gouvernement chez eux sera synonyme d’un retour de l’aide financière », résume Alain Gresh, auteur de la bande-dessinée « Un chant d’amour, Israël-Palestine, une histoire française » et directeur du journal en ligne OrientXXI. La situation humanitaire à Gaza est restée catastrophique à cause du blocus décrété par Israel et jugé illegal par l’ONU.

En signe de punition collective,  le ministre israélien de la Sécurité intérieure avait annoncé l’’été dernier qu’Israël allait réduire la fourniture d’électricité à la bande de Gaza… en accord avec l’Autorité palestinienne. Mais la création d’un gouvernement unifié représente aussi l’espoir de la réouverture du passage de Rafah. Jusque là, indique Alain Gresh, « les Gazaouis étaient enfermés, le passage n’étant ouvert que rarement. » Ce qui posait problème notamment aux Palestiniens de Gaza voulant faire leurs études à l’étranger, particulièrement en Egypte.

« L’Egypte a joué un rôle… pour sa propre sécurité le Sinaï »

L’Egypte qui a d’ailleurs joué un grand rôle dans la signature de cet accord. « L’Egypte était intéressée par un tel accord en grande partie pour une question de sécurité dans le Sinaï », indique le fondateur d’OrientXXI. Quitte à réhabiliter le Hamas, son ennemi juré ? « Contrairement à ce que l’on peut penser, malgré son combat contre les Frères Musulmans, l’Egypte s’est rapprochée ces derniers temps du Hamas », affirme Alain Gresh qui rappelle que les groupes terroristes agissant dans le Sinaï ont pour base arrière Gaza. « Or, continue Alain Gresh, le Hamas tient l’ordre à Gaza. » L’Egypte qui, que ce soit en Syrie, en Libye ou au Yémen, ne pèse plus au niveau international cherche également à jouer un rôle diplomatique. Devant les Nations Unies, « Sissi avait lancé un appel presque mielleux à la paix dans ce conflit », rappelle l’expert du Proche-Orient qui tempère : « L’Autorité palestinienne semble être la partie la moins enthousiaste de cet accord. La non-renonciation du Hamas à sa puissance militaire pourrait d’ailleurs fragiliser l’accord », prévient-il. Car « l’animosité reste grande envers le Fatah, lui même affaibli, et Abbas étant très impopulaire à Gaza », affirme Alain Gresh. Il estime par ailleurs que l’attitude d’israël ne sera pas forcément moins équivoque : « Israël n’est pas prêt à négocier, conclut Alain Gresh. Le discours du gouvernement est bien rodé. En cas de division, il affirme ne pas pouvoir négocier. Mais en cas d’unité, il rappelle que le Hamas est une organisation terroriste et qu’il ne peut pas… négocier. » Si l’unité Hamas-Fatah semble être un soulagement pour les populations palestiniennes, l’accord pourrait n’être qu’un énième coup d’épée dans l’eau en vue d’une prochaine paix elle même improbable à court terme.