« Monsieur le Premier ministre, quand un ministre est mis en cause pour viol, il ne peut pas rester au gouvernement ». Ainsi est titrée la pétition demandant le départ de Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics.

Cette pétition, qui a recueilli déjà plus de 4 300 signatures sur les 10 000 escomptées, a été lancée par Madeline Da Silva, Clara Gonzales et Marie Cervetti, des féministes du groupe F, dédié à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ainsi que par l’organisation « le Mouvement », dont Elliot Lepers est le Directeur Exécutif. 

Cette nouvelle organisation, non affiliée à un parti politique, entend aider les citoyens à « se construire une opinion sur les grands enjeux de société ». Elle se décrit également comme « un mouvement citoyen massif capable de défendre l’intérêt général en faisant pression sur les décideurs ». 

« Nous utilisons l’actualité pour nous saisir de sujets importants. Nous voulons convertir l’émotion suscitée par un fait d’actualité, par des solutions concrètes, des actions », explique Elliot Lepers, également ancien co-fondateur du média anti sexiste Macholand.fr.

Ainsi, à travers la plainte pour viol qui vise Gérald Darmanin, l’organisation souhaite s’emparer des violences sexuelles et sexistes, un sujet brûlant depuis les accusations visant le producteur Harvey Weinstein aux Etats-Unis et la libération de la parole des femmes à travers la campagne #BalanceTonPorc sur les réseaux sociaux en France.

Pour « le Mouvement », le gouvernement se doit d’être exemplaire sur ces questions. Dans la pétition, les signataires dénoncent donc les propos du Premier ministre Edouard Philippe. En effet, ce dernier, dans un communiqué du 27 janvier dernier, assurait tout son soutien à Gérald Darmanin, malgré la gravité des faits reprochés : « La justice est à nouveau saisie et elle doit pouvoir travailler en toute indépendance. Le Premier ministre tient à rappeler d’une part que les règles fixant l’appartenance au gouvernement sont connues et d’autre part que Gérald Darmanin a toute sa confiance », écrivait-il. 

« Le gouvernement doit soutenir les femmes dans leurs démarches, surtout quand elles ont le courage de s’attaquer à des hommes de pouvoir »

« Lorsque des membres du gouvernement ont été mis en cause pour des délits comme des emplois fictifs ou des malversations immobilières, ils ont immédiatement été poussés vers la sortie. Être visé par une enquête préliminaire pour un crime sexuel serait donc moins grave  ? », s’interroge l’organisation. 

Pour Elliott Lepers, Edouard Philippe envoie un message négatif à toutes les femmes, en ayant choisi son camp avant même les résultats de l’enquête : 

« Il y a actuellement une prise de conscience collective, qui encourage les femmes victimes de violences sexuelles à porter plainte, dit-il. Il ne s’agit pas pour le gouvernement de prendre position. Peut être que Gérald Darmanin sera innocenté, mais en attendant, le gouvernement doit soutenir les femmes dans leurs démarches, surtout quand elles ont le courage de s’attaquer à des hommes de pouvoir ». 

Une affaire de harcèlement sexuel avait d’ailleurs déjà touché le précédent gouvernement, avec des plaintes visant le député EELV Denis Baupin. Une affaire classée sans suite, « pour prescription » en mars 2017. 

Mais à l’époque, Madeline Da Silva, adjointe à la mairie des Lilas et signataire de la pétition, avait interpellé les candidats à la présidentielle sur ces questions, demandant « l’inéligibilité pour les élus coupables de violences faites aux femmes ». 

Les Républicains souhaitent la démission de Gérald Darmanin

« Le Mouvement » dénonce également la très faible augmentation du budget annuel pour le ministère de l’Egalité (rallongé de 150.000 euros seulement en 2018). L’Etat ne consacrerait en effet que 0,0066% de son enveloppe annuelle à la lutte pour l’égalité entre les sexes, alors même qu’il a voulu faire des violences faites aux femmes la priorité de son quinquennat. « Mais comment y parvenir si un de leurs ministres est accusé de viol ? », questionne la pétition.

« Le gouvernement manque de crédibilité. Cette inaction au sujet de Gérald Darmanin l’empêche d’agir sereinement contre les violences sexuelles », estime Elliot Lepers. 

 « Le Mouvement » travaille déjà sur d’autres plans d’actions, afin d’accentuer la pression sur le gouvernement, qui n’a toujours pas répondu à leur sollicitation. Aujourd’hui, les Républicains ont pourtant appelé à la démission de Gérald Darmanin, bien qu’elle ne fasse pas l’unanimité au sein du parti. 

Pour rappel, en juin 2017, une femme a porté plainte contre Gérald Darmanin, classée sans suite. Mais le Parquet a rouvert l’enquête en janvier. Sophie Spatz, la plaignante, accuse le ministre de l’avoir violée. Les faits remontent à 2009. A cette époque, la sympathisante de l’UMP, souhaitait nettoyer son casier judiciaire alors qu’elle avait été condamnée quelques années plus tôt pour «chantage, appels malveillants et menace de crime». Elle contacte Gérald Darmanin, alors chargé de mission au service des affaires juridiques de l’UMP, qui lui aurait promis d’envoyer une lettre en sa faveur à la Garde des sceaux de l’époque, Rachida Dati. Puis Gérald Darmanin l’aurait recontactée pour un dîner, durant lequel il lui aurait fait des avances sexuelles en échange de la lettre. Il l’aurait alors convaincue d’aller à son hôtel et forcée à des relations non consenties.