Dans un rapport tout juste publié par l’Observatoire de la laïcité, son président Jean-Louis Bianco tente « d’appeler l’ensemble des médias, évidemment seuls juges de leur politique éditoriale, à la prudence » lorsqu’ils traitent de laïcité et de religion. Car, selon lui, « le caractère éventuellement passionné du traitement médiatique de la laïcité prend le risque, de fait, d’empêcher toute approche rationnelle. » Dans ce rapport, l’Observatoire constate une fois de plus via ses nombreux déplacements sur le terrain « une profonde méconnaissance du droit en vigueur », ce qui selon lui « peut conduire, alternativement, à des interdictions ou à des autorisations injustifiées. » L’organisation revient notamment sur l’affaire du burkini, qui avait fait la une des médias l’été dernier et qui aurait eu un « effet très négatif sur l’image internationale de la France. » Les arrêtés municipaux que certains maires ont appliqués dans leurs communes concernant l’interdiction du burkini ont été perçus par la presse étrangère « au mieux comme ridicules, au pire comme liberticides et dirigés contre les fidèles de culte musulman. » Le rapport fait état d’une « crainte de voir la laïcité se redéfinir par de nouvelles lois pensées uniquement pour l’Islam. » Une crainte partagée par différentes personnalités auditionnées pour ce rapport.

« Nous regrettons toutes les confusions entretenues par les médias »

Concernant cette même affaire, l’audition de Françoise Dumont, présidente de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), est très intéressante. Elle revient dans un premier temps sur la dénonciation des arrêtés anti-burkini par la LDH et nous apprend que, suite à cette prise de position, les réactions ont été virulentes : « Nous avons reçu cet été des mails haineux, d’une grande violence, mais au sein de la Ligue les positions qui sont les nôtres, ont été plutôt bien comprises. » Elle a aussi constaté que « l’essentiel du débat se déroule autour de l’Islam, qui est devenu un véritable objet médiatique. » « Combien de unes sur le sujet ? », demande-t-elle. Selon la Ligue des droits de l’Homme, les attentats ont ravivé les peurs à l’égard de l’Islam et il y a un vrai regret que « la façon dont ce gouvernement a géré les périodes post-attentats ait contribué à stigmatiser toute une partie de la population, à la fois dans les faits — avec des perquisitions qui ont visé majoritairement la population musulmane — et dans le discours. Nous regrettons aussi toutes les confusions entretenues par les médias mais aussi certains responsables politiques, entre intégrisme, Islam radical, Islam fondamental, salafistes, djihadistes… le débat public est plombé par un manque de rigueur intellectuelle, par un manque de connaissances sur les différents courants de l’islam, et par des amalgames qui tendent à transformer tout musulman en un terroriste potentiel. »

«La République ne peut refuser aux uns ce qu’elle accorde aux autres»

De son côté, la juriste Nancy Lefèvre, du Conseil national des évangéliques de France (CNEF), explique voir fleurir avec inquiétude « des propositions de loi concernant les cultes qui traduisent une volonté explicite de les contrôler, voire de les utiliser pour imposer une forme de concorde civile : pénalisation de la prédication subversive, dispositions relatives à l’exercice des cultes, au financement des cultes qui visent à renforcer le contrôle des associations cultuelles par les préfectures, enfin dispositions relatives aux lieux de culte qui renforceraient le pouvoir du ministre de l’Intérieur en matière d’ouverture ou de fermeture de lieux de culte. » Bien que non ciblé, le CNEF ne valide pas ces mesures : « Nul n’est dupe, il s’agit de propositions de lois de circonstances qui visent généralement l’encadrement de l’Islam mais qui ne nous satisfont pas. D’abord parce que la liberté est un bien indivisible : la République ne peut refuser aux uns ce qu’elle accorde aux autres sans remettre en cause le principe même de liberté. »