LeMuslimPost : Votre mosquée est accusée d’apporter « un soutien pérenne » à Oussama Ben Laden depuis les années 2000…

Saïd Djelleb : Cela voudrait dire que depuis les années 2000 nous soutiendrions Ben Laden et que jamais aucune autorité ne serait venue nous demander des comptes sur ces agissements. Donc il aurait fallu attendre dix-sept ans pour que l’on nous reproche cela. 

« On a fermé notre salle de prière mais on nous a renvoyés vers d’autres mosquées, ça voudrait dire qu’ils ont juste déplacé ‘problème’ »

Votre imam est également accusé de prêches radicaux et d’hostilité aux principes républicains…

L’imam est à la mosquée depuis presque dix-huit années, on voudrait nous faire croire que, pendant toutes ces années, il a eu pignon sur rue et qu’ils l’ont laissé tranquille. Ce monsieur est mauritanien, il a une carte de résidence qu’il renouvelle tous les ans. S’il faisait des prêches radicaux ou appelait à la haine des autres religions comme on le lui reproche, pourquoi ils lui renouvellent chaque année sa carte de résidence ? On ne comprend pas.

Quelles démarches allez-vous entreprendre ?

On ne va pas se laisser faire, je vais demander au préfet de justifier ces allégations, car il a été trop loin. Si vous tapez mon nom sur internet, il est affilié au terrorisme, je suis grillé partout, tout le monde m’appelle, ils vont devoir sortir des preuves. Cet arrêté est rempli de mensonges et de diffamation, j’ai entamé une procédure et je vais porter plainte avec constitution de partie civile. On serait des “terroristes », on a certes fermé notre salle de prière mais on nous a renvoyés vers d’autres mosquées, ça voudrait dire qu’ils ont juste déplacé le soi-disant problème ailleurs. Nous n’avons même pas fait une garde-à-vue. Il n’y a aucune cohérence dans tout cette affaire.

« Comment se fait-il que nous soyons encore dehors ? »

Que reprochez-vous à cet arrêté préfectoral ?

La préfecture aurait pu fermer la mosquée en prétextant que nous sommes salafistes dans le cadre de l’état d’urgence, nous aurions pu comprendre que, par mesure de précaution, ils aient décidé de fermer les petites mosquées. Mais là, avec tout ce qui a été dit sur la mosquée et sur moi, c’est sûr que nous ne laisserons pas passer ça, le préfet a été trop loin. Et en fin de compte, si la moitié de ce qu’il y a d’écrit dans l’arrêté était vrai — à savoir des relations avec Djamel Beghal, de soutien à Ben Laden, etc. —, ce serait grave. Tous les gens qui ont été amenés à me contacter me demandent comment cela se fait que nous soyons encore dehors. C’est logique. Avec toutes ces accusations, les services de renseignement français ne nous ont jamais sollicités, ni l’imam ni moi-même. Donc soit il y a une défaillance de l’Etat français, soit le préfet ment.

« On reproche à la mosquée de jouer son rôle, celui d’aider les fidèles »

On vous accuse d’accroître votre influence en réglant les loyers impayés de certains fidèles…

Oui nous avons déjà été amenés à régler des loyers de plusieurs personnes. Il y a des gens dans le besoin qui nous sollicitent à la mosquée, mais pas forcément des gens du quartier ou des fidèles. Ils viennent comme dans la plupart des mosquées de France, il y a des personnes qui sont menacées d’expulsion, ils nous amènent leur dossier en nous demandant ce que nous pouvons faire. Il y a des associations de quartier qui travaillent avec le bailleur, nous envoient des personnes en leur disant d’aller voir la mosquée car nous sommes plus à même de les aider. Nous sommes là pour faciliter la vie des gens, nous savons qu’il est plus simple de collecter des fonds pour une mosquée que pour une association via les appels aux dons.

On vous accuse aussi d’avoir une influence négative sur les élèves des établissements scolaires locaux…

Vous savez, tous ces dires sont très simple de vérifier : juste à côté de chez nous, nous avons un collège. Il faudrait aller demander au directeur, aux enseignants ou aux conseillers d’orientation s’ils ont déjà entendu parler de moi. Ils parlent de mon influence concernant le port du voile intégral, alors que ma propre fille ne porte pas le voile et va à la piscine.

« Le désordre et le trouble ne font pas partie de notre religion »

Des échauffourées ont éclaté dans la cité des Indes. Sont-ils en lien avec cette fermeture ?

Le musulman n’a pas ce comportement-là, le désordre et le trouble ne font pas partie de notre religion, nous n’y sommes pour rien et nous désavouons ces agissements. Et ça n’aurait pas de sens, il y a des médias partout, qui nous sollicitent et nous ne trouverions que ça à faire? Il faut être sérieux. De plus, dans l’arrêté, ils ont parlé de Ben Laden, de Beghal, de terroristes, de la guerre sainte. A l’énoncé de tout ce qu’on nous reproche, on ne serait capables que de brûler des poubelles ? On nous accuse d’être des grandes figures du djihadisme, et nous allumerions des feux de poubelles ? Je n’ai jamais entendu parler de terroristes qui font des feux de poubelles !  Il s’agit d’incidents qu’il y a tous les dix du mois, les petits de 15 ans sont certes mécontents, mais dans les quartiers, dès qu’il y a un petit truc, ça chauffe. Quand il y a eu l’affaire Théo, par exemple, c’était la même chose dans le quartier.