Il a beau dire que c’est « le combat de (sa) vie », Manuel Valls semble aujourd’hui faire fausse route. Ou quand l’électoralisme prend le pas sur la raison. L’ancien maire d’Évry multiplie, depuis plusieurs jours, les sorties hasardeuses sur la laïcité, qui serait devenue son cheval de combat. Pourtant, l’histoire ne joue pas en sa faveur : l’ancien Premier ministre a en effet multiplié les sorties de route et s’est souvent essuyé les pieds sur la loi de 1905.

En 2002, alors maire d’Évry, Manuel Valls s’oppose à l’idée du supermarché Franprix de créer un rayon halal. Il déclare alors, pour se justifier : « Si même le Franprix se spécialise, c’est le signe qu’il vaut mieux que tous ceux qui ne mangent pas halal quittent le quartier. Si on ne fait rien, si on accepte un échelon supplémentaire dans la spécialisation, le quartier va devenir un ghetto. » L’élu menace même d’envoyer « tous les pouvoirs de police » régler le cas des gérants de la supérette. Cet épisode caricatural a d’ailleurs été l’épisode qui l’a propulsé sur la scène politique nationale.

Le Clemenceau du pauvre

Les musulmans de France en ont souvent pris plein la tête de la part d’un Premier ministre virulent à leur égard. Aujourd’hui, Valls se pose en protecteur de la communauté. A propos des musulmans, il assurait il y a quelques jours : « C’est nous qui les protégeons. » Après avoir fustigé les femmes portant le foulard qu’il considérait comme un “combat essentiel pour la république » — et demandé la discrétion aux musulmans de France, le voilà donc qui s’érige en leader.

Il se rêvait en Clemenceau, mais c’est à se demander avec quel talent ou envergure ? Là où son idole fut l’un des héros de la guerre de 14-18, lui jette de l’huile sur le feu et attise la haine lors de ses différents passages télévisés. Le « Tigre » doit se retourner dans sa tombe. Valls est loin de l’animal qui symbolisait Clemenceau, il est plutôt un loup solitaire et incontrôlable.

Une OPA hostile sur la laïcité

Après avoir donné le coup de grâce au Parti socialiste en appelant à voter Emmanuel Macron, Manuel Valls est en train d’allumer un feu encore plus incontrôlable que lui-même, en jetant en pâture ceux qui seraient, selon lui, des ennemis de la République, des députés de La France insoumise à Edwy Plenel, en passant évidemment par le Bondy Blog, qu’il semble lire tous les matins. Un jeu dangereux, qui amène les Français à encore plus de division.

Marine Le Pen n’a qu’à bien se tenir, le taureau Valls est dans l’arène. Et, en substance, son positionnement, bien qu’intellectuellement incohérent, relève d’un dogmatisme aveugle et une ambition personnelle démesurée pour occuper le terrain et rester visible. Son passif vis à vis de la République est pourtant lourd, mais ceux qui lui tendent le micro oublient bien volontiers de le lui rappeler.

Avec cette OPA hostile faite sur la laïcité, une seule question se pose : Manuel Valls croit-il vraiment à ce qu’il dit ou cherche-t-il à se positionner en leader d’une gauche désagrégée ? Dans les deux cas, l’ex-Premier ministre fait fausse route. En s’opposant à la laïcité de 1905, en se créant lui-même des ennemis qui ne lui ont rien demandé et en propageant des rumeurs infondées — comme celle du chauffeur de bus qui refuserait de conduire après une femme —, Manuel Valls est devenu la caricature de lui-même. Mais le danger qu’il représente est, lui, bien réel.