A l’origine des ingérences étrangères chez BFMTV, un ancien militaire de l’armée israélienne tente de manipuler l’information mondiale. L’État hébreu est-il devenu la capitale de la désinformation ?
En Israël, manipuler l’information pourrait presque être considéré comme un sport national, tant la façon de traiter le conflit israélo-palestinien est travaillée pour offrir un storytelling qui permet à l’État hébreu de remporter la guerre la plus importante, la guerre médiatique. « Par le miracle des mots, la répression menée par un État colonialiste ayant instauré un régime d’Apartheid devient la réaction légitime et courageuse (‘musclée’) d’un pays exposé à la barbarie de terroristes assoiffés de sang », résumait le magazine Frustration en mai 2021, dans un dossier consacré aux « techniques de manipulation du langage au service des dominants ».
Depuis plusieurs années, Israël s’est fait fort de se spécialiser dans la réécriture de sa propre histoire. « Dès leur plus jeune âge, les écoliers israéliens sont initiés aux techniques d’écriture sur Wikipédia », résume un spécialiste de la communication digitale qui rappelle que « sur Google, Wikipédia est la première source qui ressort sur le sujet du conflit israélo-palestinien ». Là où les autorités palestiniennes se sont concentrées sur le terrain, les autorités israéliennes, elles, ont montré leurs talents pour la manipulation de l’information et la fabrication du mensonge, faisant passer n’importe quel militant pro-palestinien pour un terroriste et n’importe quel bombardement pour une riposte.
Des anciens du Mossad reconvertis dans la manip
Un talent que des Israéliens, désormais, exportent. Depuis plusieurs jours, les médias se demandent si BFMTV a été victime d’« ingérence étrangère » après la découverte de plusieurs sujets diffusés dans le journal de la nuit de Rachid M’Barki. Une enquête interne a été lancée, du côté de BFMTV. L’on parlait alors de Russie, du Maroc, de pays du Golfe ou encore de pays africains qui auraient réussi à faire leur propagande sur la chaîne de BFMTV. Mais en réalité, comme l’indique le consortium Forbidden Stories, qui vient de réaliser une enquête sur le sujet, la chaîne de Patrick Drahi aurait en réalité été infiltrée par une société israélienne de désinformation.
Une société qui, d’ailleurs, n’a aucune existence légale. Les équipes de « Jorge » sont composées d’anciens officiers de l’armée ou des services de renseignements israéliens, entre autres. Elles disent avoir sévi lors d’une trentaine d’élections présidentielles, plus particulièrement en Afrique. Leur outil principal ? Une application de création de faux profils pour influencer les réseaux sociaux. Un outil qui n’est pas sans rappeler ceux utilisés par les militants anti-BDS. Act.IL, on le sait, est également développé par des anciens du Mossad.

Un homme sans limite morale
Parmi les opérations effectuées par Tal Hanan — le vrai nom du dirigeant de cette entreprise —, les médias ont relevé les sabotages de plusieurs scrutins, comme le premier référendum sur l’indépendance de la Catalogne en 2014. La « team Jorge » s’est fait une spécialité de saboter les élections, de demander leur report avec des messages massifs sur les réseaux sociaux ou des campagnes de SMS.
Hanan ne semble avoir aucune limite : il est prêt à déstabiliser des pays, à opposer des ethnies ou des populations dans n’importe quel pays. La « team Jorge », par ailleurs, « achète », selon ses dires, des journalistes à travers le monde pour passer l’information qu’elle dicte. Le principe est simple : être à la source de l’information et participer à sa diffusion massive sur les réseaux sociaux. Une affaire qui n’est pas sans rappeler le scandale Cambidge Analytica.
Mais ce qui marque, c’est le CV de Hanan : ce dernier se présente comme officier de liaison de l’armée d’occupation israélienne. Il a « commandé des opérations de protection des cadres à haut risque au Mexique, en Colombie et au Venezuela, et dirigé des programmes de formation en matière de lutte contre le terrorisme… pour le gouvernement américain ».