Il aura fallu trois jours. Trois jours pour condamner les manifestations de Charlottesville. Le Premier ministre israélien, après soixante-douze heures de silence, a finalement (très vaguement) condamné « l’antisémitisme, le néonazisme et le racisme », sans pour autant préciser qu’il parlait des Etats-Unis. Benyamin Netanyahu emboîte ainsi le pas au président américain, qui lui aussi est resté le plus neutre possible quant aux mouvement néonazis — il s’est même rétracté hier soir — et qui a mis du temps avant de dénoncer les adeptes de la suprématie blanche. Alors que le Premier ministre de l’Etat hébreu est habituellement prompt à réagir lorsqu’il est question d’antisémitisme au-delà de ses frontières, les Israéliens ont été étonné par son attentisme alors que, outre-Atlantique, des manifestants scandaient des slogans comme : « Les Juifs ne nous remplaceront pas. » Times of Israel, journal local, a d’ailleurs dénoncé le « silence » des dirigeants israéliens, à l’exception de Naftali Bennett. L’auteur de la tribune s’étonne que les membres du Likud, le parti majoritaire, aient préféré s’indigner d’une pancarte antisémite dans un hôtel suisse que des manifestations néonazies de Charlottesville.

Un silence surprenant, décevant et qui sonne comme un échec

Mais pourquoi le Premier ministre israélien a-t-il été si long à s’emparer du problème ? Du côté des experts, c’est l’étonnement. « Depuis sa création, Israël prétend à juste titre protéger les communautés juives partout dans le monde. Cela implique une lutte rigoureuse contre toute forme de haine, d’antisémitisme et de discrimination », indique ainsi Eytan Gilboa, expert des relations israélo-américaines, au journal israélien. Pour lui, le silence de Netanyahu est « un échec. » Mais pour Stephen Zunes, professeur de politique internationale à l’Université de San Francisco, l’attitude du Premier ministre est compréhensible, même si elle est « surprenante et décevante. » L’homme politique n’a, estime le professeur, pas voulu couper la chique à Trump, son meilleur allié, en condamnant les rassemblements néonazis avant lui. Mais la pilule a du mal à passer en Israël : pour l’ambassadeur des Etats-Unis en Israël, Dan Shapiro, il est aujourd’hui « difficile d’expliquer le silence du gouvernement israélien face à de tels actes. » Certes, Netanyahu s’est, depuis, exprimé sur cette affaire. Mais en ménageant son allié américain, le Premier ministre israélien a montré que dénoncer l’antisémitisme était finalement moins sa priorité que de conserver de bonnes relations avec le président Donald Trump.