L’article 1 bis A de la loi Travail offre la possibilité aux entreprises d’interdire aux salariés de manifester leurs convictions religieuses. Un article dénoncé par l’observatoire de la laïcité.

Hier, Manuel Valls a de nouveau usé du 49-3 pour faire passer la loi Travail, dont on ne devrait désormais plus entendre parler après plusieurs mois de débat. Si les syndicats ont protesté contre le risque de précarité des employés, d’autres critiquent un article qui fait polémique. L’article 1 bis A, sur la neutralité politique et religieuse, autorise les entreprises à adopter un règlement intérieur. Ce dernier « peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché ».

Les convictions des salariés en péril ?

Plus concrètement, une entreprise privée pourra donc interdire le port d’un signe religieux, en mettant en place son propre règlement. « On ne va pas se mentir, l’article de la loi travail évoque avant tout le fait religieux musulman dans les entreprises. Sans le dire, on pose en réalité la question : est-ce que porter le voile dans une entreprise privée est conforme à la la laïcité ? », résume Asif Arif, avocat au barreau de Paris. Selon lui, l’article de la loi Travail va au-delà des prérogatives de l’Etat : « L’Etat ne peut pas s’immiscer dans une entreprise privée. Un patron est libre d’engager une femme voilée s’il le souhaite », explique Asif Arif, pour qui « ce débat revêt une dimension profondément politique ».

Si l’on comprend que, dans certains postes de la fonction publique, il soit interdit de manifester ses opinions religieuses, une restriction dans une entreprise privée peut poser souci. L’Observatoire de la laïcité et la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) dénoncent d’ailleurs l’article 1 bis A de la loi Travail : selon les deux organisations, il porte atteinte à l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui indique que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi ». Elles parlent de « risque d’interdits absolus et sans justification objective à l’encontre des salariés, en visant par ailleurs toutes leurs convictions ».

Des outils juridiques existent déjà

Pour l’Observatoire de la laïcité et la CNCDH, il existe d’ailleurs déjà des outils permettant de protéger la liberté de conscience dans les entreprises. Seulement, ces outils sont trop peu connus… « La législation et la réglementation en vigueur, bien que trop peu connues, fournissent déjà les moyens nécessaires et proportionnés pour garantir l’équilibre entre protection de la liberté de conscience des salariés et la volonté légitime de fixer les limites nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise », résument les deux organisations, qui assurent que le nouvel article 1 bis A « crée une insécurité juridique tant pour les employeurs que pour les salariés ».

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