Le 12 septembre dernier, la première manifestation sociale du quinquennat d’Emmanuel Macron a rassemblé 400 000 manifestants à l’échelle nationale selon la CGT, 223 000 selon la police. Le 21 septembre, 132 000 personnes ont défilé dans plusieurs villes de France selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, soit deux fois moins que la semaine précédente. Depuis, les routiers se sont joints au mouvement avec une grève de la CFDT des Transports et de la CFTC Transports. Jean-Luc Mélenchon a également appelé à une manifestation « casseroles » le 30 septembre dernier, pour « faire le plus de bruit possible. » Mais son appel a rassemblé une centaine de personnes seulement. Quant à la manifestation du 28 septembre par les retraités contre la hausse de la CSG, quelques milliers de personnes dans plusieurs villes de France ont dénoncé cette mesure fiscale. Peu de convergences et d’unité émergent donc de ces diverses mobilisations.

« Les conditions ne sont pas toujours pas remplies pour une mobilisation forte »

« Les forces syndicales sont dispersées et ne savent pas où elles vont. La CGT a appelé à la grève sans consulter personne. La base de Force Ouvrière veut manifester mais pas ses dirigeants. La CFDT ne se mobilise pas. Les conditions ne sont toujours pas remplies pour une mobilisation forte et organisée », analyse Jean-Marie Pernot, chercheur à l’IRES et spécialiste des syndicats. Des conflits internes entre la base et les dirigeants participent à ce désordre, comme les désaccords au sein de Force Ouvrière. Le secrétaire général de l’organisation syndicale, Jean-Claude Mailly, est accusé d’être trop conciliant concernant l’adoption des ordonnances par le gouvernement. En effet début septembre, il avait déclaré ne pas avoir envie « d’appeler les salariés à manifester une, deux, trois, quatre, cinq fois, pour les envoyer dans le mur. » « Après avoir lutté comme ils l’ont fait contre la loi El Khomri, c’était difficile de voir cette réaction. Jean-Claude Mailly est en très mauvaise posture. Il doit passer la main dans six mois, démissionnera t-il avant ? Peut-être », s’interroge Jean-Marie Pernot.

Le 10 octobre, nouvelle journée de grève

Le 10 octobre prochain, les syndicats de la fonction publique (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FA (Autonomes), FO, FSU, UNSA et Solidaires) ont prévu une mobilisation contre les suppressions de postes et le gel du point d’indice. Pour le spécialiste, cette date constitue un « test important. » A la SNCF, les syndicats se sont réunis la semaine dernière pour évoquer une éventuelle mobilisation commune ce jour-là. Mais la CGT-Cheminots, premier syndicat, n’a pas pris position. La CFDT Cheminots, quatrième syndicat à la SNCF, a annoncé sa participation en début de semaine, au mouvement de grève contre la réforme du code du travail et la hausse de la CSG. Il a indiqué que la dénonciation « des ordonnances et de la hausse de la CSG », serait le mot d’ordre principal de la CFDT-Cheminots.

L’UNSA-ferroviaire, deuxième syndicat a confirmé un « appel à la mobilisation », afin de « renforcer les rangs des manifestations organisées en région et à Paris le 10 octobre », mais sans mot d’ordre de grève. SUD-Rail, a également enjoint ses cheminots à cesser le travail et à faire « converger » les luttes pour « faire plier le gouvernement. » « Sur les ordonnances il y a assez peu de chance qu’il y ait un retour en arrière. Il faudrait que les syndicats se mettent d’accord rapidement ensemble pour dresser un barrage solide afin d’entraver la marche vers la réforme, car il y a encore d’autres mesures à venir », estime Jean-Marie Pernot.

« L’affaiblissement des syndicats est réel »

Les ordonnances, signées par Emmanuel Macron le 22 septembre dernier, sont vivement critiquées depuis la fin de l’été. Elles modifient entre autres les conditions et les délais de licenciement, donnent un nouveau barème pour les indemnités prud’homales et une importance accrue aux accords d’entreprises. Les ordonnances sont désormais entrées en vigueur mais certaines mesures nécessitent des décrets d’application et seront effectives plus tard. «Une petite vingtaine de décrets» seront pris avant la fin de l’année et «toutes les réformes contenues dans ces ordonnances» seront applicables au plus tard au 1er janvier prochain, a précisé le chef de l’Etat.

La réforme du code du travail concerne également les routiers, dont le mouvement social la semaine dernière, a fini par porter ses fruits. Le patronat, les syndicats et le gouvernement sont tombés d’accord le 4 octobre au sujet de leur rémunération, qui était menacée. Ainsi leurs diverses primes et frais de déplacement seront maintenus.  Malgré cela, « l’affaiblissement des syndicats est réel », confie le chercheur à l’IRES. « Mais la suppression des emplois aidés, la réforme de l’ISF et d’autres mesures pourront alimenter un certain mécontentement social, qui pourrait éventuellement déboucher sur éventuellement une mobilisation plus forte », conclut-il.