Suite à l’attaque à l’arme blanche à Marseille de deux jeunes femmes, un sondage  a été réalisé le 3 octobre sur internet, par l’agence Elabe pour BFM TV. Il révèle que les Français se disent largement favorables, au moins à 80 %, à six mesures tirées du projet de loi “sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme” voté mardi par l‘Assemblée nationale.

Ils approuvent à 87 %, l‘autorisation des perquisitions administratives pouvant être demandées par les préfets dans certaines conditions ainsi que l‘obligation qui pourrait être faite à certains suspects de fournir leurs identifiants de messagerie électronique et numéros de téléphone (à 84%).

Quant à la « fermeture de lieux de culte participant à la diffusion d’idées appelant au terrorisme, à la haine ou à la discrimination, à l’initiative du préfet », elle est validée par 91% des Français.

Ces lieux de culte, ce sont principalement les mosquées dont il est question. Depuis la mise en place de l’état d’urgence, presque vingt lieux de culte musulmans ont fait l’objet de fermetures administratives, dont les salles de prière de Sartrouville et de Fontenay-aux-Roses hier. Neuf de ses lieux de culte étaient encore fermés fin septembre selon le Ministre de l’Intérieur.

« La loi devrait s’adresser à tous les lieux qui menacent le vivre-ensemble »

La loi anti-terrorisme vise principalement les actes de terreur commis au nom de l’islam radical. Elle s’adresse donc en majorité aux musulmans et le risque de stigmatisation est bien réel. Un musulman, plus qu’un autre citoyen devient un terroriste potentiel.

« Dans le monde des associations tout le monde se pose des questions sur la manière dont sera appliquée cette loi sur et les risques de dérapages. Nous prenons acte et nous serons vigilants », a déclaré Ahmet Ogras, président du Conseil Français du culte musulman (CFCM).

Quant à la grande mosquée de Paris, elle a indiqué ne pas vouloir s’exprimer sur la loi anti-terrorisme. « Nous respectons la loi, nous ne la critiquerons pas, sauf si elle touchait à la liberté de culte ou à la dignité du culte musulman », a fait savoir le responsable de la communication.

Le CFCM émet pourtant déjà quelques réserves concernant la mesure sur les lieux de culte. « Pour moi la loi devrait être universelle et s’adresser à tous les lieux qui menacent le vivre-ensemble, pas seulement les mosquées. D’autre part, les préfets doivent faire attention aux mots qu’ils utilisent pour ne pas diaboliser les lieux de culte ni provoquer craintes et stigmatisation. Un endroit fréquenté par dix personnes il n’est pas convenu de l’appeler un lieu de culte musulman ni une mosquée », rappelle Ahmet Ogras.

Une loi qui cible les musulmans, selon Amnesty International et le Financial Times

Des discriminations découlant de cette loi anti-terrorisme dont s’inquiète aussi Marco Perolini, chercheur à Amnesty International. « Des éléments concrets indiquent déjà que les pouvoirs d’exception ont été appliqués de façon disproportionnée et discriminatoire. Ils ont été utilisés pour cibler les musulmans, souvent au motif de leurs croyances et de leurs pratiques religieuses plutôt que sur la base d’éléments de preuve concrets d’un comportement criminel », a t-il écrit fin septembre.

Dans un article publié le 3 octobre, le Financial Times s’intéresse également à cette France condamnée « à l’état d’urgence permanent ». « Peut-être plus que les arrestations à domicile, l’accent mis sur les mosquées a exacerbé le sentiment que les mesures ne visaient pas uniquement les terroristes mais étaient aussi un moyen de mettre en garde la communauté musulmane de France » peut-on y lire dans le quotidien britannique.

« C’est la foi même des musulmans qui est mise en doute »

« Il y a une épée de Damoclès au dessus de la tête des 7 millions de musulmans en France, alors qu’une minorité seulement sème la terreur. C’est la foi même des musulmans qui est mise en doute », regrette Ahmet Ogras.

Le 2 octobre, Dalil Boubakeur, recteur de la grande mosquée de Paris s’est exprimé au lendemain de l’attaque à la gare Saint-Charles à Marseille. Pour lui, « les musulmans de France ne peuvent plus rester impassibles sans réagir » et il note « un manque d’initiatives citoyennes » de leur part.

Des propos que le CFCM n’approuve pas totalement. « Dans tout ce qu’il se passe, les musulmans ou leurs représentants ne sont pas plus responsables que n’importe qu’elle autre institution. Nous n’avons pas d’écoles privées musulmanes qui forment des candidats au djihad. Nous ne sommes pas dans le déni mais il faut arrêter d’accuser les musulmans. Il faut qu’on crée des structures qui puissent gérer ces soucis et être à la hauteur des nouvelles ambitions ».

La défense des musulmans devra être gérée par les associations

Pour Ahmet Ogras, il faudrait que le CFCM soit renforcé afin de « maîtriser davantage ce qu’il se passe sur le terrain ». Il souhaiterait notamment trouver plus de bailleurs de fond, afin que les prières du vendredi puissent se dérouler dans des conditions dignes et avec des imams bien formés. Ainsi, il y aurait moins de foyers d’islam radical dans les petites salles destinées à la prière, qui font souvent l’objet de fermetures.

Concernant les éventuels dérapages et les perquisitions qui pourraient – comme par le passé – viser des musulmans innocents, le CFCM ne souhaite pas sortir de son rôle. « Nous essayons d’être présents partout où les gens ont besoin de nous, mais nous gérons seulement le culte. Nous laissons les associations défendre les musulmans », a fait savoir le responsable du Conseil.