Désavoué par Emmanuel Macron, le Conseil français du culte musulman veut se relancer en se débarrassant de l’influence des fédérations. Le CFCM peut-il survivre ?
La semaine dernière, Emmanuel Macron a « décidé de mettre fin au Conseil français du culte musulman » (CFCM). Créée en 2003 à l’initiative de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, le CFCM est tombé en disgrâce ces dernières années, jusqu’à ne plus être un interlocuteur privilégié de l’État. Le président français « ne veut pas sous-estimer ce qui avait été fait avec le CFCM », mais vient de mettre un terme dans les discussions avec l’instance, à qui il reproche notamment ses liens avec des pays étrangers.
Mais si le CFCM est blessé, il n’est pas encore tout à fait mort. Dimanche dernier, les membres de l’instance se sont réunis lors d’une assemblée générale extraordinaire pour décider de nouveaux statuts. Une assemblée qui se déroulait quelques jours à peine après les déclarations vindicatives d’Emmanuel Macron.
Dans un premier temps, le CFCM a voulu répondre aux critiques du président. Il reproche notamment à l’État de désormais miser sur le Forum de l’islam de France (Forif), une instance dont les cadres sont désignés par les préfets et qui manque donc de légitimité.
Dans un second temps, le CFCM a pris acte des critiques, non pas d’Emmanuel Macron mais d’une communauté musulmane qui a toujours refusé de se reconnaître dans cette instance qui donnait de l’importance aux plus grandes mosquées. « Les critiques et interrogations quant à la capacité du CFCM à répondre aux attentes des musulmans de France doivent être entendues ; des réponses et améliorations doivent y être apportées », indique le CFCM dans un communiqué.
La fin de l’influence des fédérations
Et la première réponse du CFCM à ces critiques : la « départementalisation » de l’organisation de l’instance, qui veut être plus poche de la base. De nouveaux statuts vont être votés le mois prochain. Ceux-ci « prévoient une refonte du CFCM sur la base de structures départementales ; pourront y prendre part, d’une manière égalitaire, toutes les mosquées de France ».
« Il était temps », diront les critiques du CFCM qui ont toujours déploré la « surinfluence » des fédérations. Il aura donc fallu attendre que l’État désavoue le CFCM pour que ce dernier acte « la fin du système de cooptation (de la moitié des membres actuels du CFCM) par certaines fédérations dites statutaires ».
Près de 20 ans après sa création, le CFCM vient de se rendre compte que ce système « s’est avéré antidémocratique et arbitraire ». Mais n’est-ce pas trop tard ? D’un côté, l’instance s’attire les foudres de l’Élysée, qui estime que le CFCM s’est sabordé. D’un autre côté, le CFCM dit vouloir défendre l’intérêt « des gestionnaires des mosquées et l’intérêt du culte musulman en général ». Mais il faudra cependant un véritable travail de la part de ses membres pour que les musulmans se retrouvent dans cette instance.
Le CFCM dispose cependant d’un avantage : il connaît les rouages de l’État et en se posant en adversaire du président et du ministère de l’Intérieur, l’instance pourrait devenir un adversaire redoutable pour Macron et Darmanin. Reste à prouver, pour ses membres, qu’ils sont prêts à défendre les musulmans de France et non pas leurs propres intérêts personnels.