Les masques pour le public, lavables ou à usage unique, seront vendus dans les pharmacies, les petits commerces et la grande distribution. Un distributeur comme Carrefour, par exemple, vendra « 10 millions de masques la semaine prochaine » et a « sécurisé des commandes » pour avoir un flux continu ensuite, a expliqué vendredi Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie.
« Où étaient ces masques quand (…) tous nos personnels en prise directe avec la maladie tremblaient et tombaient chaque matin ? », se sont interrogés dans un texte cinglant intitulé « les masques tombent » sept Ordres de professionnels de santé, dont les médecins.
« Toute guerre a ses profiteurs. (…) Comment s’expliquer que nos soignants n’aient pas pu être dotés de masques quand on annonce à grand renfort de communication tapageuse des chiffres sidérants de masques vendus au public par certains circuits de distribution », s’indignent-ils.
« Comment nos patients, notamment les plus fragiles, à qui l’on expliquait jusqu’à hier qu’ils ne pourraient bénéficier d’une protection adaptée, vont-ils comprendre que ce qui n’existait pas hier tombe à profusion aujourd’hui. 100 millions par ici, 50 millions par là. Qui dit mieux ? C’est la surenchère de l’indécence », déplorent-ils, en soulignant que même un masque grand public aurait été « un complément essentiel ».
« Aujourd’hui, la consternation s’allie au dégoût », insistent-ils.
Mais la grande distribution s’est défendue d’avoir profité de la situation pour stocker des masques.
« Les enseignes de la grande distribution ne sont pas, et n’ont jamais été, en charge de l’achat et de la fourniture de masques pour les soignants », a répliqué la Fédération du commerce et de la distribution.
« Leur attribuer les difficultés d’approvisionnement est donc faux et malhonnête », selon un communiqué.
– « Pas de stocks cachés » –
La fédération fait valoir que la grande distribution a remis les stocks de masques FFP2 aux professionnels de la santé dès le début de la crise et effectué de nombreux dons aux hôpitaux.
« Il n’y a pas de stocks cachés », insiste la fédération, qui fait valoir que les chiffres annoncés « concernent les commandes effectuées, qui ne vont être livrées que très progressivement ».
Au début de l’épidémie de Covid-19, les autorités françaises avaient jugé inutile le port généralisé du masque, denrée alors très rare.
Le Premier ministre avait reconnu début avril de « vraies difficultés d’approvisionnement » liée à la « demande considérable » vers la Chine de l’ensemble de la planète. Des élus locaux français avaient même accusé les Américains d’avoir surenchéri auprès de fournisseurs chinois pour rafler une cargaison qui leur était destinée, ce que les Américains avaient catégoriquement démenti.
Le 9 avril, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye affirmait encore qu’il n’y avait « pas de consensus scientifique » sur la nécessité de porter un masque et que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) « ne le recommand(ait) pas dans la population de manière générale ».
Toutefois, la pluie de critiques pendant des semaines ainsi que la perspective du déconfinement — progressif à partir du 11 mai – ont changé la donne. Désormais, le masque est chaudement recommandé dans l’espace public et sera même obligatoire dans les transports publics à partir du 11 mai. Les commerçants pourront aussi l’exiger.
Selon le gouvernement, la France a déjà importé 500 millions de masques depuis la Chine. Et les livraisons passeront à 150 millions d’unités par semaine à la mi-mai.
En France, les magasins de tissu ont rouvert, partout des petites mains s’affairent à coudre les protections en textile, des tutos sont apparus sur la toile pour les fabriquer chez soi…
Cela suffira-t-il ? Certaines associations en doutent mais le Premier ministre Édouard Philippe l’a promis : « Il y aura assez de masques dans le pays pour faire face aux besoins à partir du 11 mai ».