Un pays en plein boom économique, à majorité musulmane et dont les sous-sols regorgent d’hydrocarbures ? Ce n’est ni le Qatar, ni les Émirats, ni l’Arabie saoudite… Mais le Kazakhstan. Attention toutefois : l’immense pays d’Asie centrale se distingue des monarchies du Golfe par un modèle de développement plus discret qui s’enracine dans une terre d’Islam entre les mondes chinois, russe et perse.
Nombreux sont les jeunes musulmans du monde entier tentés par l’expatriation, entre le souhait de profiter de nouvelles opportunités professionnelles et la volonté de vivre en harmonie avec leurs convictions religieuses. Et si les pays du Golfe ont su séduire la jeunesse ces dernières années, c’est un immense pays d’Asie centrale – et le neuvième plus étendu au monde – qui fait de plus en plus parler dans la communauté musulmane francophone.
Car le Kazakhstan ne manque pas d’atouts à faire valoir, à commencer par une insolente croissance économique. Entre janvier et mai dernier, l’économie kazakhstanaise a ainsi enregistré une hausse de 4,8 %, portée par des secteurs aussi variés que le commerce, la construction, les nouvelles technologies ou l’agriculture, tout en bénéficiant d’une hausse exceptionnelle des investissements (+ 71 % dans la sécurité sociale, + 55 % dans la science, + 36 % dans la santé) et du commerce extérieur (+ 40,8 %). Premier partenaire de l’Union européenne dans la région, le Kazakhstan marque sa différence alors que la guerre en Ukraine et la pandémie mondiale ont mis l’économie mondiale au ralenti.
Attention, tout n’est pas rose au pays des steppes infinies : comme de nombreux pays occidentaux, l’inflation bat des records actuellement dans les rayons des supermarchés et sur les étals des échoppes. Et le pays de 19 millions d’habitants panse toujours les plaies des violentes émeutes qui ont éclaté en janvier dernier, quand les manifestations pour protester contre les prix de l’énergie ont dégénéré sous l’influence de l’ancien camp au pouvoir.
Mais assis sur un véritable trésor de ressources naturelles, le Kazakhstan peut s’enorgueillir d’une belle 13e place au classement des pays producteurs de pétrole, d’une 30e place pour le gaz et du 8e rang pour ses réserves en charbon. Autant de ressources qui font du pays un acteur incontournable sur le marché de l’énergie, d’autant plus incontournable qu’il est le premier producteur mondial d’uranium au monde.
Une richesse qui alimente depuis de nombreuses années la modernisation du pays, bien décidé à devenir un leader des nouvelles technologies et de l’économie digitale en formant et en attirant des ingénieurs, des créateurs d’entreprises et des informaticiens venus du monde entier… et peut-être demain des Français, soucieux de profiter d’infrastructures modernes, d’une fiscalité avantageuse dans un cadre naturel unique tout en pouvant vivre pleinement leurs convictions religieuses.
Un État laïque et une société religieuse
Exceptionnelle à plus d’un titre, la réussite kazakhstanaise est aussi celle d’un pays musulman à plus de 70 % — l’autre tiers des Kazakhstanais étant notamment constitué de la minorité russe, de confession chrétienne orthodoxe. Résolument ancré dans le XXIe siècle, l’Islam kazakhstanais n’en est pas moins riche d’une longue histoire. Son introduction remonte au VIIIe siècle, quand les Arabes pénètrent pour la première fois en Asie centrale. Une seconde vague de conversion a lieu lorsque la fameuse Horde d’or — menée par les descendants de Gengis Khan — apporte au XIVe siècle l’Islam parmi les Kazakhs et les autres tribus de la région. Bientôt cependant, l’influence du voisin russe se fait de plus en plus pesante sur les musulmans kazakhstanais : tantôt bienveillante, comme sous le règne de Catherine II, tantôt intrusive et persécutrice, comme sous l’ère soviétique, pendant laquelle la foi ne trouve à briller que dans le cœur des croyants et l’intimité de leurs foyers. L’indépendance, acquise en 1991, donne le signal d’un renouveau de la ferveur religieuse au Kazakhstan, marqué entre autres par l’édification de centaines nouvelles mosquées à travers le pays.
Le Kazakhstan n’en devient pas pour autant un « État religieux » à l’image de certains pays du Golfe. Dès 1995, la nouvelle Constitution du pays – inspirée de la Vème République française – grave dans le marbre le caractère laïque de l’État kazakhstanais : « la République du Kazakhstan est un État démocratique, laïque, juridique et social dont les valeurs les plus élevées sont la personne, sa vie, ses droits et ses libertés ». Cultivant la différence avec ses voisins, le Kazakhstan demeure ainsi, à ce jour, le seul État d’Asie centrale à n’avoir pas assigné à l’Islam de statut spécial… le protégeant peut-être ainsi des instrumentalisations politiques.
Et si l’athéisme imposé sous l’ère soviétique a bien fait place à un fort regain du religieux au sein de la société kazakhstanaise, la coexistence pacifique des communautés religieuses demeure donc la clé de voûte du modèle social, comme en témoigne la cohabitation de près d’une vingtaine de confessions et de près de 4 000 associations religieuses dans le pays : les petites minorités juives, mennonites, adventistes ou catholiques peuvent vivre leur foi en toute quiétude.
Riche de matières premières et fier d’une tolérance religieuse jetant des ponts entre la Oumma et l’Occident, le Kazakhstan incarne donc la réussite d’un modèle musulman bien différent de celui habituellement mis en avant par les pétromonarchies du Golfe.