« Le fossé continue de se creuser, dans la continuité des trois dernières années », constate Benjamin Haddad, chercheur français au cercle de réflexion Atlantic Council de Washington.
Après la mort du puissant général iranien Qassem Soleimani dans une frappe américaine, et avant la riposte de Téhéran contre des bases abritant l’US Army en Irak, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a d’ailleurs délaissé la langue de bois diplomatique en reprochant aux Européens ne n’avoir « pas été aussi utiles » qu’il l’aurait espéré pour épauler les Etats-Unis. La France a « simplement tort », a-t-il même rétorqué à une ministre française qui avait jugé le monde « plus dangereux » après la mort de Soleimani.
Dans son discours censé ouvrir une phase d’apaisement, le président américain a lui solennellement demandé mercredi le soutien des alliés européens qu’il ne cesse de bousculer.
Sa demande est double: imiter sa décision de claquer la porte de l’accord sur le nucléaire iranien; et renforcer leur propre effort militaire au Moyen-Orient.
Sur la première requête, la réponse semble catégorique: c’est non.
Alors que le milliardaire républicain s’exprimait depuis la Maison Blanche, son plus proche allié en Europe, Boris Johnson, réitérait au président iranien Hassan Rohani « l’engagement continu du Royaume-Uni » envers l’accord de Vienne.
– Appel à l’Otan –
Ce texte signé en 2015 avec l’Iran par l’Allemagne, la Chine, les Etats-Unis, la France, la Russie et le Royaume-Uni reste « le meilleur cadre actuellement disponible » pour empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique, a estimé le Premier ministre britannique, quand Donald Trump l’a quitté justement car il le trouvait inadapté pour réaliser cet objectif.
Même son de cloche de l’ensemble de l’Union européenne, même si l’accord est en fait de plus en plus menacé après le rétablissement des sanctions américaines et le désengagement amorcé par l’Iran.
« Il me paraît inimaginable que les alliés européens se précipitent derrière Trump dans le gouffre où il semble nous envoyer », dit à l’AFP Rachel Rizzo, spécialiste de la sécurité transatlantique au Center for a New American Security, un autre think tank américain.
A ses yeux, Washington et les Européens sont tellement éloignés sur ce sujet que les tensions entre eux risquent de s’aggraver encore, avant une éventuelle embellie.
Car au fond, pour de nombreux dirigeants du Vieux continent, l’escalade au Moyen-Orient est justement le fruit du retrait américain de l’accord iranien, qu’ils n’ont jamais digéré.
La seconde demande de Donald Trump s’adressait à l’Otan, à laquelle il a demandé de s’impliquer « beaucoup plus » dans la région.
Les Européens « apprécieront l’ironie d’un président qui n’a cessé de critiquer l’Alliance atlantique et ses membres, et qui se tourne vers eux lorsqu’il est confronté à une crise », glisse Julie Smith, du German Marshall Fund of the United States.