Le président tunisien estime que l’immigration subsaharienne en Tunisie a pour but de faire de son pays un État « africain » et d’effacer son caractère « arabo-musulman ».
En Tunisie, le racisme contre les Subsahariens est une réalité depuis de trop nombreuses années. On se souvient en 2018 de l’agression au couteau du président de l’association de la communauté Ivoirienne en Tunisie, des agressions de personnes noires après l’élimination de la Tunisie de la CAN 2015 par la Guinée équatoriale ou d’autres crimes racistes. Au-delà de ces « faits divers », le racisme anti-Noirs est surtout systémique en Tunisie : des locations refusées aux « Africains », des cimetières séparés pour les Tunisiens et les Subsahariens, des extraits de naissance avec le mot « atig » (affranchi) pour les descendants d’esclaves ou même de la ségrégation dans certains bus dans le sud du pays…
Et malgré une nouvelle constitution en 2014, le racisme n’était pas pénalisé dans les textes. « La Constitution garantit l’égalité des droits, mais nous voulons un article pour condamner les racismes », demandait l’Association tunisienne de soutien aux minorités en 2015. Fin 2018, une loi antiraciste était finalement votée par le parlement tunisien. Mais les réactions politiques montraient qu’il y avait encore beaucoup de travail. Le député de la Voix des agriculteurs, Faycel Tebini, avait par exemple assuré qu’« il n’y a pas de discrimination raciale en Tunisie » et avait appelé « à ne pas semer la rancune et les conflits dans la société ». Le discours était assez fréquent : les accusations de racisme venaient de l’étranger, et le phénomène n’existait pas en Tunisie.
Plus de quatre ans après le vote de la loi pénalisant le racisme, rien ou presque n’a changé. Et ces derniers jours, la situation est presque devenue insoutenable pour les Subsahariens présents en Tunisie, qui craignent aujourd’hui des agressions. La faute à des propos tenus par le président tunisien Kaïs Saïed, mardi dernier. S’exprimant sur la présence de migrants subsahariens en situation irrégulière sur le sol tunisien, le chef de l’État a demandé que soient mises en place des « mesures urgentes » contre l’immigration clandestine d’Africains subsahariens. Avant de dire que les clandestins africains étaient la source de « violences et de crimes » en Tunisie.
Eric Zemmour félicite le président tunisien
Mais ce qui a le plus choqué, ce mardi, c’est le discours global de Kaïs Saïed sur l’immigration subsaharienne, qui serait selon lui une « entreprise criminelle ourdie à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie », qui transformerait la Tunisie en un pays « africain seulement ». Autrement dit, cette immigration viserait à effacer le caractère « arabo-musulman » de la Tunisie.
De quoi choquer la société civile. Plusieurs ONG militent depuis des années contre le racisme en Tunisie. Elles dénoncent un « discours raciste et haineux ». Sur les réseaux sociaux, on s’étonne que la théorie du Grand remplacement soit mise en avant par Kaïs Saïed. Même Eric Zemmour, l’un des défenseurs de cette théorie inventée par Renaud Camus, s’est félicité de la sortie du président tunisien.
Un président dont les propos, en plus de choquer, inquiètent les plus de 20 000 Africains subsahariens présents sur le sol tunisien, dont la majorité sont en situation irrégulière.