En décembre 2016, Karim Ben Ali accepte un emploi chez un sous-traitant d’ArcelorMittal en Moselle. Il doit remplir des cuves et les vider ensuite avec son camion, avec l’interdiction de divulguer le contenu des cuves, les substances déversées et l’endroit prévu. 

Cet endroit, n’est autre que la forêt de Marspich non loin d’habitations, où ArcelorMittal semble avoir décidé de déverser ses déchets produits par les aciéries à Florange.

L’employé en intérim découvre un jour un liquide jaune fluorescent et des fumées irritantes qui s’en dégagent. Un produit qui lui apparaît bien plus dangereux que les boues de fer ou d’épuration indiqués sur les bons de livraisons. Et pour preuve, en rentrant chez lui, il a les yeux rouges et saigne du nez.

Suite à cette découverte inquiétante, Karim Ben Ali décide d’alerter la population et publie une vidéo sur sa page Facebook, à propos de cette fosse dans la forêt où il dit voir des rochers éclater au contact des produits chimiques.

Sa vie bascule alors. L’homme est renvoyé pour « rupture de discrétion commerciale » et ArcelorMittal se défend des accusations de risque sanitaire. Une enquête de la direction régionale de l’environnement (Dreal) en 2017 conclue à « une gestion irrégulière des déchets » mais pas de pollution. Il s’agirait non pas de rejets d’acides mais « d’eaux usées ».

« Les investigations montrent que Monsieur Ben Ali était dans le juste en diffusant cette vidéo car cela a abouti à des poursuites contre ArcelorMittal. Cependant, nous avons la sensation que le parquet n’a pas été jusqu’au bout de la démarche. Les éléments en notre possession laissent clairement penser qu’il y a bien eu pollution », confient les avocats de Karim Ben Ali à l’Express

Mais les ennuis vont continuer pour Karim Ben Ali qui ne trouve plus d’emploi dans la région.

« J’ai fait un burn-out, j’ai été hospitalisé en psychiatrie. On a dévissé les roues de ma voiture, on m’a envoyé des menaces. Je n’ai pas mis le nez dehors pendant plusieurs mois », témoigne t-il pour le magazine.

Il raconte également avoir perdu l’odorat et souffrir de crises d’angoisse. Des séquelles qui le poussent à porter plainte pour « atteinte volontaire à l’intégrité de la personne, mise en danger de la personne et infraction aux règles de la sécurité et de la santé ».

Mais l’affaire se retourne contre lui quand le 8 janvier dernier, celui-ci se rend au siège d’ArcelorMittal à Florange, peu après que sa femme a été agressée en ville. Il fait alors part de sa colère à un responsable du site et menace de « faire péter » la cokerie. Il est alors placé en garde à vue au commissariat de Thionville, et ArcelorMittal porte plainte contre lui.

Finalement, le tribunal correctionnel de Thionville (Moselle) a relaxé hier l’ancien intérimaire, qui avait été condamné le 20 février dernier à une peine de quatre mois de prison avec sursis, une obligation de suivi médical et une interdiction d’approcher les sites d’ArcelorMittal.

« La justice a compris que je n’étais pas une personne violente, c’était des mots que je regrette », a réagi auprès de l’AFP Karim Ben Ali. L’ex-intérimaire s’est dit « soulagé » à la fin de l’audience. Il prévient toutefois, « à bout » après deux ans de combat, de « réfléchir à dix fois avant de jouer au lanceur d’alerte ».

Quand à ArcelorMittal, le groupe sidérurgique devrait passer devant le tribunal correctionnel dans les prochains mois pour « gestion irrégulière de ses déchets ». Un délit passible de deux ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende.