C’est un peu une rencontre du troisième type que nous avons vécue avec Ivan « le terrible » Rioufol. Tout semble opposer nos idées et les siennes, ou presque. Mais lorsque l’auteur de « La guerre civile qui vient », aux éditions Pierre-Guillaume de Roux, nous a accusés d’être les « nouveaux censeurs » après que l’on s’est insurgé contre les propos d’Eric Zemmour, nous avons eu envie d’en savoir plus sur l’éditorialiste du Figaro, qui arbore fièrement sur son compte Twitter le « noun », symbole des chrétiens d’Orient, et qui aime tant s’en prendre à l’Islam dans les publications sur son blog personnel. Nous avons donc logiquement parlé avec lui de son alarmisme quant à la guerre civile qu’il annonce, d’Islam, d’Israël ou encore d’islamophobie. Avec courtoisie, mais toujours en étant en désaccord avec le journaliste du Figaro.

LeMuslimPost : La guerre civile qui risquerait d’arriver en France, c’est un peu votre fonds de commerce… Vous écrivez « Faut-il, pour éviter la guerre civile,  se soumettre aux exigences de l’Islam ? » Pensez-vous réellement que les musulmans de France sont des ennemis de l’intérieur, comme on a pu l’entendre ici et là ? Ou qu’à défaut, l’Islam soit incompatible avec la République, expression si chère aux dirigeants politiques ?

Ivan Rioufol : Ouvrez les yeux deux secondes : la guerre intérieure est déjà là, quand de jeunes Français venus des cités tuent aveuglement au nom d’Allah d’autres Français, y compris des musulmans. Elle est déjà là quand à Nice un immigré tunisien écrase la foule avec son camion. Une guerre en pointillée est partout présente et le pays vit désormais dans la peur d’une montée aux extrêmes d’un islam apocalyptique, qui n’a plus rien à voir avec la religion mais tout à voir avec une idéologie totalitaire, violente, conquérante. Ce que vous appelez mon « fonds de commerce » est plus simplement, chez moi, une mise en alerte des consciences endormies et une dénonciation de ceux qui ne veulent rien voir. Je ne cesse de mettre en garde contre la facilité qu’il y aurait à désigner dans le musulman le bouc-émissaire. Mais une partie de l’opinion est prête à suivre cette pente. C’est pourquoi je répète qu’il revient aux musulmans, en tout cas à ceux qui acceptent les règles de la démocratie et de la laïcité, de le faire savoir et d’isoler les fadas qui veulent vivre sous la charia et ses interdits. Désolé, mais ceux-là n’ont rien à faire en France, qui n’est pas une terre d’Islam. Ils peuvent « faire leur valise », comme le dit Tahar Ben Jelloun. La charia est incompatible avec une république qui laisse au peuple et à ses représentants, et non à Dieu, le soin de faire les lois. Aux musulmans de démontrer que la pratique de leur religion est compatible avec une nation millénaire qui a des racines gréco-latines et judéo-chrétiennes et qui s’est longtemps heurtée à l’Islam colonisateur.

LeMuslimPost : Pour vous, la société multiculturelle, c’est ça, le problème ? Vous déclarez qu’elle est un « instrument de l’Islam politique »…

Ivan Rioufol : Ecoutez les militants de l’islam politique : ce sont eux qui défendent le mieux le multiculturalisme, c’est-à-dire une société qui a abandonné l’exigence d’assimilation au profit d’un modèle anglo-saxon où les minorités sont dispensées de tout effort d’intégration. C’est dans cette société « inclusive », qui s’est imposée en France ces trente dernières années dans l’indifférence générale, que s’épanouissent les salafistes, les Frères musulmans et tous les exaltés qui rêvent d’humilier l’Occident. Poursuivre dans cette voie, suivie par la gauche communautariste à la Macron, amènerait à la libanisation de la France. Le multiculturalisme, c’est la guerre.

« Choisir par référendum de revenir au modèle d’assimilation changerait tout »

LeMuslimPost : Dans « La guerre civile qui vient », vous proposez d’ailleurs un référendum pour trancher la question du choix entre une République multiculturelle et une nation indivisible reconstruite sur l’objectif de l’assimilation. Qu’est-ce que cela changerait ?

Ivan Rioufol : Aujourd’hui, l’Etat n’ose plus imposer ses exigences aux minorités, comme il avait su le faire jusqu’à la deuxième moitié du XX e siècle. Même l’école a abandonné la transmission d’un modèle national. Il est devenu honteux de parler du récit national, de peur de « stigmatiser » les nouveaux venus. Seul le peuple peut redonner une légitimité légale au pouvoir politique qui a laissé filer son autorité. Interroger les citoyens sur le type de société dans lequel ils veulent vivre me paraît être la moindre des choses, mais si je reconnais que la question à poser n’est pas forcément intelligible pour tous. Choisir par référendum de revenir au modèle d’assimilation, qui est celui qui a fait la France, changerait tout : ceux qui contesteraient alors ce choix collectif se retrouveraient potentiellement indésirables.

LeMuslimPost : Vous rappelez, sur votre blog, l’article 21-24 du Code civil qui indique que « nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française. » A l’intégration, vous préférez l’assimilation ?

Ivan Rioufol : Votre exemple est bien choisi : il montre à quel point l’assimilation, qui invite à se dépouiller de son passé pour endosser celui de la terre d’accueil, structure encore théoriquement notre droit. C’est pourquoi je pense qu’il ne faut pas abandonner cet objectif, même s’il devient plus difficilement atteignable quand il s’agit de peuples extra-européens. L’intégration, qui exige moins de renoncements, est un stade intermédiaire qui est plus réaliste et plus lent. C’est un moindre mal.

LeMuslimPost : Vous aimez parler des « nouveaux censeurs. » C’est d’ailleurs ainsi que vous avez qualifié notre chroniqueur Karim Achoui qui dénonçait les propos d’Eric Zemmour. Or, on a plutôt l’impression que ces personnes dont vous vous faites l’avocat ont pignon sur rue…

Ivan Rioufol : J’observe tous les jours, dans mon métier, qu’il est plus difficile, plus dangereux, de critiquer l’Islam que le christianisme ou le judaïsme. L’accusation en islamophobie, assimilée à un racisme, peut devenir un permis de tuer : c’est parce qu’ils avaient été décrétés islamophobes que les journalistes de Charlie Hebdo ont été assassinés. Même la gauche bouffeuse de curés se fait docile face aux imams, y compris les plus loufoques. Je suis catholique ; je respecte les croyances et les quêtes spirituelles. L’Islam religieux, vécu dans l’intimité de chacun, ne me pose pas de problème. Au contraire : son détachement du matérialisme me plait bien. En revanche, l’Islam politique me pose de très sérieux problèmes, et je le dis. Je n’ai pas le sentiment que nous soyons très nombreux sur ce terrain miné. J’entends régulièrement dire que les « néo-réacs », ce terme flou supposé nous englober, monopoliseraient les médias audiovisuels.  C’est une blague ! Le politiquement correct a fait le vide autour de lui. Je sais de quoi je parle…

« Reconnaître le legs gaulois fait partie du processus d’assimilation »

LeMuslimPost : Vous avez, à ce propos, été contre l’interdiction des spectacles de Dieudonné. Vous pensez qu’il a le droit d’exprimer ses opinions, tout comme Eric Zemmour, même en flirtant avec les limites de la loi ?

Ivan Rioufol : Je suis un défenseur acharné de la liberté d’expression, pour autant qu’elle respecte les limites de la loi, c’est-à-dire qu’elle ne viole pas les intimités des gens et qu’elle n’appelle pas au meurtre ou à la violence. J’ai défendu Dieudonné car je trouve contre-productif d’en faire un martyre. Plus Zemmour est attaqué, plus il est soutenu. Entrer dans l’engrenage de la police de la pensée, c’est mettre le pied dans une société de dénonciateurs et de petits flics du conformisme d’Etat.

LeMuslimPost : Vous parlez, en France, d’une « armée de l’ombre » qui « bénéficie de la passivité des cités », de « milliers de guerriers ». Vous n’exagérez pas un peu ? L’étude de l’Institut Montaigne montre des jeunes en rupture avec la société et indique qu’il ne faut pas pour autant estimer qu’ils sont radicalisés.

Ivan Rioufol : N’est-ce pas vous qui exagérez ? L’Institut Montaigne, dans son étude très récente, nous dit que 28% des musulmans de France défendent la charia (l’institut a toujours précisé qu’« il n’y a pas 28 % des musulmans qui sont radicalisés en France », ndlr), donc notamment le djihad, et 50 % des jeunes de 15 à 25 ans. 50 % des jeunes,  mais vous vous rendez compte : c’est énorme ! Cela rejoint les observations faites par Malek Boutih, ancien président de SOS Racisme, qui estime qu’« une grande partie de la jeunesse des cités se détourne de notre modèle de société. » La bombe à retardement, elle est là, dans cette contre-société qui se structure autour de la charia prise à la lettre, c’est-à-dire autour d’un islam total, totalisant, totalitaire. Or, il est stupéfiant de voir les regards se détourner de ces faits, généralement au prétexte fallacieux de « ne pas faire le jeu du FN. » Ce faisant, les autruches font le jeu des djihadistes.

LeMuslimPost : Mais même Nicolas Sarkozy n’allait pas aussi loin que vous… C’est dire !

Ivan Rioufol : Ce n’est pas moi qui vais loin, ce sont les faits qui s’emballent. Je ne suis qu’un spectateur engagé, pour reprendre l’expression de Raymond Aron. Je vois ce que je vois. Les politiques somnolent, ne font que courir derrière les réalités, Sarkozy comme les autres. Ils sont dans le court-termisme, l’angélisme, le clientélisme. Ils ne voient rien venir. Ou trop tard…

LeMuslimPost : Vous parlez, lorsque vous évoquez l’épisode gaulois de Nicolas Sarkozy, d’« une épreuve de force avec l’Islam radical » annoncée par le président. Cela signifie, pour vous, que l’on n’a aujourd’hui que le choix entre se sentir gaulois ou être un djihadiste ?

Ivan Rioufol : Ouh là là ! Quel raccourci ! Reprenons dans l’ordre : si vous ne voulez pas que vos enfants récitent « Nos ancêtres les Gaulois »,  comme l’ont fait les petits Antillais par exemple, je pense que vous avez tort ; car la France à laquelle vous appartenez a d’abord été païenne, gauloise oui, avant d’être chrétienne, « fille aînée de l’Eglise. » Reconnaître symboliquement le legs gaulois peut faire sourire bien sûr, mais il fait partie du processus d’assimilation que nous venons d’évoquer. Pour autant votre refus de vous dire gaulois, s’il est fait pour vous distinguer volontairement des « Français de souche », ne fait pas de vous un djihadiste, évidemment. Lui, il veut imposer par l’intimidation et la force un autre modèle de société, construit sur un retour du califat et sur la soumission pour tous. Contre lui, aucune concession ne doit plus être faite. C’est ce que j’appelle l’épreuve de force. Elle s’oppose aux « accommodements raisonnables » des capitulards. On ne pactise pas avec une idéologie totalitaire, jamais.

« Avoir peur de l’Islam n’est pas honteux, ni délictueux, ni raciste »

LeMuslimPost : Vous parlez beaucoup des musulmans radicaux, mais on a l’impression que vous ne distinguez que très rarement la majeure partie de la population musulmane et ces radicaux. Même Yasser Louati, dont vous qualifiez les followers sur Twitter de « meute de petits roquets islamistes », est un islamiste, selon vous ?

Ivan Rioufol : Je ne cesse au contraire d’appeler les musulmans de France à se désolidariser des radicaux, à les marginaliser, à les dénoncer, à manifester contre eux : je ne fais donc pas l’amalgame. Je regrette d’ailleurs que les médias ne mettent pas davantage en avant ceux et celles qui alertent contre l’Islam obscurantiste qui caricature leur communauté. Mais ne me faites pas rigoler : Yasser Louati n’est pas de ceux-là ! Dans sa mobilisation au CCIF, il épouse la cause islamiste quand son horizon s’arrête à l’islam visible et intouchable. Ses procédés sur Twitter ont toujours été faits, en ce qui me concerne, pour attiser la haine contre moi, chez les têtes brûlées et les intégristes qui le suivent. J’ai eu des menaces de mort, toujours anonymes bien sûr ! J’ai porté plainte contre l’une d’entre elles, mais la police judiciaire n’a pu remonter à la source. Je sais d’autant plus de quoi je parle, là aussi, que le CCIF lui-même, qui entretient notamment des liens avec Tariq Ramadan, m’a poursuivi en correctionnelle pour des propos tenus sur lui dans un débat sur RTL, auquel il avait refusé de participer au dernier moment parce que j’étais présent ! Lors de l’audience, à laquelle je m’étais rendu, la salle était majoritairement composée de jeunes femmes voilées et de barbus. Cette atteinte à la liberté d’expression est intolérable. C’est un danger pour la démocratie.

LeMuslimPost : On vous entend régulièrement parler du conflit israélo-palestinien. Là où, selon vous, « le Hamas n’est pas défendable », Israël semble en revanche représenter un modèle de démocratie qui « n’hésite pas à recourir à la guerre. » La France idéale, c’est Israël, selon vous ?

Ivan Rioufol : Israël est une démocratie en guerre, comme l’est désormais la France. Ces deux vieilles nations, longtemps unies par une histoire millénaire (les 28 rois d’Israël ornent l’entrée de Notre-Dame de Paris) ont un même ennemi dans l’Islam totalitaire, dont le Hamas est l’expression outrancière et répulsive. Israël et la France sont unis par une alliance biblique et une communauté de destin qu’il faut à tout prix préserver, que cela plaise ou non aux anti-sionistes qui, trop souvent, cachent mal leur détestation des juifs. La France idéale n’est pas Israël, qui a ses propres défauts. Mais Israël est sûrement, dans sa force vitale et son courage, un exemple à suivre pour la France qui, aujourd’hui, doute d’elle-même et n’ose affronter l’ennemi.

LeMuslimPost : Allez, dites-nous tout, Ivan Rioufol, en vous lisant, on ne peut que remarquer que vous êtes un peu islamophobe, non ?

Ivan Rioufol : Bah ! Si ça peut vous faire plaisir ! Ce terme est creux. Avoir peur de l’islam (ce qu’est littéralement l’islamophobie) n’est pas honteux, ni délictueux, ni raciste. Mais si vous entendez pas là que je n’aimerais pas les musulmans, vous vous trompez. Au cas où vous ne l’auriez pas compris : je n’aime pas les islamistes, c’est-à-dire les islamo-fascistes, les « nazislamistes », bref ceux qui détestent ce que nous sommes et qui rêvent au nom d’Allah de nous tuer par tous les moyens. Disons que je suis islamistophobe. J’espère que vous l’êtes aussi.

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