Avec son slogan « Les Italiens d’abord » et ses diatribes contre les « clandestins », martelés à longueur de tweets et vidéos sur Facebook, Matteo Salvini, chef de la Ligue (extrême droite) entendait prendre le pouvoir en Italie en faisant éclater la coalition gouvernementale populiste mais il semble avoir perdu la main.

Mardi au Sénat, il a été tancé comme « irresponsable » par le Premier ministre Giuseppe Conte et a dû piteusement quitter les rangées allouées au gouvernement, avant de répliquer, l’air bravache, qu’il « referait aujourd’hui exactement la même chose » que le 8 août. Quand il a fait exploser la coalition bancale formée 14 mois plus tôt avec le Mouvement 5 Etoiles (M5S).

Car l’ancien sécessionniste lombard devenu souverainiste n’est pas du genre à s’avouer vaincu.

Ce Milanais prolixe et déterminé de 46 ans, arrivé en 2013 à la tête d’un parti au bord du gouffre, a fait de la Ligue (anciennement « du Nord ») une formation nationaliste triomphante qui a dépassé dans les urnes son allié de droite Silvio Berlusconi avant de le lâcher pour former une majorité gouvernementale avec les anti-système du M5S.

Fils d’un chef d’entreprise, Matteo Salvini est né et a grandi dans la capitale lombarde: collège catholique, scoutisme et matches du Milan AC, puis militantisme, petits boulots et quelques cours à la fac.

Il a adhéré à la Ligue du Nord dès l’âge de 17 ans et a été élu conseiller municipal de Milan à 20 ans. Il est ensuite devenu journaliste au quotidien La Padania et à la radio Padania Libera, deux organes proches de son parti qui lui ont permis de peaufiner son aisance orale. Et en 2004, cet eurosceptique est entré au Parlement européen.

Mais à mesure que son étoile personnelle montait, son parti s’enfonçait dans la crise. Son patron et fondateur Umberto Bossi, diminué par une attaque cérébrale en 2004, a été balayé par un scandale de détournement de fonds publics en 2012. Aux législatives de 2013, le parti est tombé à 4%.

Arrivé à sa tête fin 2013, M. Salvini a changé le discours du parti, tournant vers Bruxelles les diatribes que son mentor Bossi lançait contre le gaspillage et les « diktats » de Rome.

« Communiste à l’ancienne »

Cet homme portant la barbe, rétif aux costumes-cravate, paraissant toujours en colère et d’un aplomb sans faille est vite devenu omniprésent dans les médias, avec un ton direct s’embarrassant rarement du politiquement correct.

Allié avec le Rassemblement national de Marine Le Pen, grand admirateur de Vladimir Poutine et de Donald Trump, il s’en prend avec virulence aux immigrés, à l’islam, à l’euro, aux unions homosexuelles…

« J’ai tout entendu: je suis un criminel, un raciste, un fasciste », lance-t-il régulièrement. Mais « je suis communiste à l’ancienne, je connais plus d’usines que ces gens (de gauche) qui ne fréquentent que des banquiers ».

Il se présente aussi en défenseur des valeurs chrétiennes, malgré une critique virulente des efforts du pape François en faveur des migrants et une vie privée agitée: il a eu deux enfants — 6 et 15 ans — de deux femmes différentes, s’est séparé l’an dernier de sa compagne animatrice de télévision et s’affiche désormais avec une jeune femme de 20 ans sa cadette.

Devenu ministre de l’Intérieur, il n’a pas souvent mis les pied au Viminale, l’immense palais blanc qui abrite son ministère, préférant enchaîner les déplacements et meetings, en perpétuelle campagne.

Partout, il insiste sur son intransigeance face aux migrants, même si les flux avaient déjà drastiquement baissé avant lui et si sa politique des « ports fermés » n’empêche pas des centaines d’arrivées chaque mois.

Parmi ses promesses tenues, il a supprimé les permis de séjour humanitaires, élargi la notion de légitime défense, abaissé l’âge du départ à la retraite, renforcé les services de police.

En revanche, la stagnation économique a hypothéqué ses promesses de baisses spectaculaires d’impôts, les expulsions de sans-papiers sont au point mort, ses efforts d’union populiste au Parlement européen ont isolé l’Italie, et une enquête est en cours sur des soupçons de financement de son parti par la Russie.

Des bémols qui n’ont pas empêché une progression phénoménale dans l’opinion publique: les 17% de son parti aux législatives de mars 2018 sont devenus 34% aux européennes de mai, et les sondages le créditaient dernièrement de 36 à 38% des intentions de vote.

Un succès qu’il pensait convertir en rampe de lancement vers des élections. Mais c’était sans compter sur le système italien qui voit les majorités naître et mourir au parlement et pas dans les urnes.