Les crimes haineux ciblant les mosquées au Royaume-Uni ont doublé l’année dernière, ont indiqué les résultats d’une enquête lundi. Les données des forces de police britanniques à travers le pays, compilées par l’Association de presse du Royaume-Uni, indiquent que les forces de police ont enregistré 110 crimes de haine dirigés contre les mosquées entre mars et juillet 2017, alors que les attaques pour la même période en 2016 étaient de 47. A Londres, les attaques contre les lieux de culte musulmans ont doublé par rapport à l’année dernière, 17 d’entre elles ont été enregistrées dans un climat de menace terroriste permanente. L’attaque la plus meurtrière a été celle perpétrée contre la mosquée de Finsbury Park l’été dernier. L’auteur, Daren Osborn, avait foncé sur un groupe de fidèles qui quittaient la mosquée, tuant sur le coup Makram Ali, 51 ans, et faisant onze blessés dont deux dans un état grave. Selon le rapport, c’est la ville de Manchester qui a enregistré une explosion de ce type d’attaques. Neuf ont été déclarées alors qu’aucun n’avait été enregistré l’année précédente. Les autres actes rapportés sont les menaces, le harcèlement et intimidations qui, au total, sont passés de 14 en 2016 à 49 en 2017.

« La plupart des attaques contre les mosquées ne sont pas déclarées »

Interrogée par LeMuslimPost, Malia Bouattia, activiste antiraciste et ancienne présidente de l’Union National des Etudiants, indique que « ce constat n’est absolument pas une surprise et était prévisible. » En raison du « manque de confiance des fidèles envers la police pour ses intimidations, la violence du programme PREVENT et le racisme qui prospère » outre-Manche, les chiffres « ne reflètent pas la réalité et la plupart des attaques contre les mosquées ne sont pas déclarées. » « Comment voulez vous qu’il y ait confiance envers une institution qui interroge des enfants de 4 ans pour des dessins ou des fautes d’orthographe ? », s’interroge-t-elle. Malia Bouattia, connue pour son engagement d’étudiante sur la stratégie antiterroriste du gouvernement britannique qui a criminalisé activistes et responsables communautaires, rappelle que l’islamophobie au Royaume-Uni est « un problème social majeur » et que « l’Etat doit être ferme sur la question au lieu de l’alimenter. »

Le rapport de la police britannique sur les attaques contre les lieux de culte arrive un mois après celui de la Commission sur la Mobilité Sociale qui pointe du doigt les discriminations auxquelles font face les Britanniques de confession musulmane, particulièrement ceux originaires du Pakistan et du Bangladesh. Pour les auteurs du rapports, les jeunes musulmans sont « moins susceptibles de réussir sur le marché du travail que tout autre groupe religieux. » Ces derniers sont confrontés à « un énorme défi de mobilité sociale et sont freinés tout au long de leur vie », poursuivent les auteurs du rapport. Ces blocages apparaissent dès l’école primaire et subsistent dans l’enseignement supérieurs même pour les étudiants suivant un cursus brillant.

« Les musulmans sont exclus, discriminés ou ont échoué à tous les stades de leur transition de l’éducation à l’emploi »

Les raisons se traduisent par un accès inégal à l’emploi, aux opportunités d’évolution ou au logement. Pour les auteurs du rapport, « les musulmans connaissent de plus grands problèmes économiques que tout autre groupe au Royaume-Uni. » Ainsi, ils sont un sur cinq à occuper un emploi à temps plein en Angleterre et au Pays de Galles, et seulement 6 % accèdent à des postes de management supérieurs alors que la moyenne nationale est de 10 %. La mobilité géographique est encore plus flagrante : près de 46 % de la population musulmane vit dans les 10 % des quartiers les plus défavorisés. Cette situation est dénoncée par Jacqueline Stevenson, co-directrice de l’étude, pour qui « les musulmans sont exclus, discriminés ou ont échoué à tous les stades de leur transition de l’éducation à l’emploi. »

Dans un Royaume-Uni embourbé dans un débat sur le Brexit voté sur fond de polémiques identitaires avec une stratégie antiterroriste qui a fait du musulman le bouc-émissaire idéal aussi bien pour le gouvernement de Theresa May que pour l’extrême droite qui continue d’influer sur les débats publiques et la « complicité des médias », comme le souligne Malia Bouattia, c’est la gauche menée par Jeremy Corbyn qui a haussé le ton et refusé toute « normalisation du racisme. »