Plus de 190 millions d’Indonésiens étaient appelés aux urnes, des jungles de Borneo à la mégalopole de Jakarta, pour élire leur président mais aussi renouveler leur parlements national et locaux lors d’un scrutin géant.

Joko Widodo, vu comme un musulman modéré, et son adversaire l’ex-général Prabowo Subianto qui veut diriger le pays avec poigne, ont mené des campagnes virulentes et multiplié les efforts pour séduire l’électorat musulman conservateur.

Selon les estimations de trois instituts de sondage – Saiful Mujani Research Centre, Indo Barometer et Indikator Politik Indonesia – calculées à partir des premiers comptages dans les bureaux de vote, Joko Widodo bénéficiait de quelque 55% des voix contre 44% environ à son adversaire.

« S’il y a un changement cela devrait être minime », a noté Gun Gun Heryanto, analyste politique au centre de réflexion indonésien Political Literacy Institute. Il a dit espérer « un appel à la réconciliation » après « sept à huit mois d’atmosphère très polarisante ».

Election complexe

Avec un nombre record de 245.000 candidats en lice l’Indonésie organisait l’élection la plus importante de son histoire et la plus complexe.

« Je suis très heureuse parce que je peux toujours voter à mon âge avancé. Mais c’est très compliqué parce qu’il y a beaucoup de bulletins de vote », a remarqué Suparni, une femme de 79 ans qui comme de nombreux Indonésiens ne porte qu’un nom, et votait à Merauke en Papouasie.

L’opposition, qui a fait une campagne empreinte de nationalisme, a prévenu qu’elle pourrait contester les résultats en cas de fraude et a évoqué des manifestations. En 2014, Jokowi avait remporté l’élection de justesse devant le même adversaire, qui avait contesté les résultats en justice avant de s’incliner.

A Bali, un électeur de 65 ans, I Gusti Ketut Sudarsa, se montrait enthousiaste après avoir voté: « Ça n’arrive qu’une fois tous les cinq ans, donc nous devons faire usage de notre droit de vote ». « Cela va déterminer la direction de notre nation », souligne-t-il.

A Palu, la ville dévastée par un tremblement de terre et un tsunami fin septembre, les habitants réfugiés dans des camps sont aussi allés voter.

« J’espère que le prochain président nous donnera le meilleur (…) dont une maison parce que nous vivons toujours dans un refuge », a espéré Juna, évacué du quartier détruit de Balaora.

Défi logistique

Dans les plus de 800.000 bureaux de vote déployés sur l’archipel, les électeurs devaient percer des trous dans les bulletins pour choisir leurs candidats puis tremper leur doigt dans de l’encre certifiée halal, une mesure destinée à empêcher les votes multiples.

Cette élection est un défi logistique dans un archipel de 17.000 îles qui s’étend sur 4.800 kilomètres de l’extrémité ouest de l’île de Sumatra, en passant par Java ou Bali, jusqu’à la Papouasie, sa province la plus orientale.

Le matériel électoral a été acheminé par avion, bateau, moto, porteur ou bête de somme dans les zones les plus difficiles à atteindre.

Afin d’assurer une forte participation, les scrutateurs d’un bureau de vote du sud de Jakarta se sont déguisés en fantômes et vampires pour accueillir les électeurs, tandis qu’à Surabaya (province de Java orientale) ils ont adopté des panoplies de superhéros.

Joko Widodo, 57 ans, a fait campagne sur son bilan de construction d’infrastructures, dont la première ligne de métro de Jakarta ouverte opportunément en mars.

Mais pour les ONG, son action sur les droits de l’Homme n’a pas été à la hauteur des attentes suscitées par celui qui était décrit comme l' »Obama indonésien » au moment de son arrivée au pouvoir pour ses origines modestes et une certaine ressemblance physique.

Le président Jokowi a choisi le prédicateur islamiste conservateur Ma’ruf Amin pour être son candidat à la vice-présidence. Une stratégie destinée à donner des gages à l’électorat musulman conservateur, mais qui inquiète les plus progressistes.

L’ancien général Prabowo Subianto, 67 ans, s’est de son côté rapproché des groupes islamiques les plus radicaux et a promu une hausse des dépenses de défense et de sécurité. Sur le plan économique il vante une politique protectionniste « Indonesia first » inspirée de Donald Trump et a promis de remettre en cause des milliards de dollars d’investissements chinois dans le pays.

Le candidat qui se présente comme un homme à poigne est desservi par ses liens avec le régime du dictateur Suharto, dont il a été le beau-fils, et par son passé militaire controversé.

Il a ordonné l’enlèvement d’activistes pro-démocratie à la chute du régime de Suharto en 1998 et a été accusé de graves abus pendant le conflit au Timor oriental.