En deux jours, Abdelali Bouhnik, président et imam de l’association Rahma, a perdu coup sur coup sa mosquée et son travail. Professeur de mathématiques au Lycée Jean-Moulin de Torcy, soupçonné de « prosélytisme », il a été suspendu pour une durée de quatre mois par l’Education nationale. Retour sur ces événements avec l’imam incriminé…

LeMuslimPost : Pouvez-vous nous expliquer la situation ?

Abdelali Bouhnik : Nous avons été la cible de perquisitions qui n’ont d’ailleurs rien donné. Nous avons été très coopératifs et nous allons suivre les règles, nous avons pris un avocat, nous allons passer en référé, en espérant que l’issue soit positive. En fait, nous sommes certains que nous gagnerons, car il existe une justice dans ce pays. La vérité éclatera, j’en suis sûr. Mais ce qui est inquiétant, c’est l’avenir du projet pour notre nouvelle mosquée. Comme vous le voyez, nous prions dans des préfabriqués. Avec la dissolution de notre association et toute cette affaire, tout est en train de s’écrouler…

On vous accuse notamment d’être en lien avec une cellule djihadiste connue sous le nom de « Cannes-Torcy »…

Ces accusations sont très graves, on nous accuse de soutenir cette cellule, c’est triste. Ils sont passés à la mosquée, comme beaucoup de monde. Je suis bien incapable de vous nommer toutes les personnes qui sont passées prier aujourd’hui par exemple. Peut-être même que Pablo Escobar est passé par là ! Il s’agit d’une mise à jour de la mémoire collective de notre population, car le jugement de cette fameuse cellule arrive à la fin du mois. Nous l’avons répété à plusieurs reprises : nous n’avons rien à voir avec cette cellule, nous avons toujours condamné toute forme de terrorisme.

On vous prête l’étiquette de mosquée « salafiste »…

J’apprends que je suis salafiste, je me croyais simplement musulman ! J’aimerais bien savoir quels sont les ingrédients pour être salafiste. Moi, je suis professeur de mathématiques. Les choses ont fait que je me suis retrouvé imam car mes frères m’ont choisi pour prêcher, parce que j’ai une certaine connaissance du Coran et que j’ai quelques rudiments des langues arabe et française. Moi, je n’ai rien à voir avec ces cellules.

« C’est la communauté dans son ensemble qui est touchée »

On vous accuse d’appeler au djihad armé…

Je n’ai jamais appelé quelqu’un à prendre les armes et les fidèles de la mosquée en sont les témoins. Mon métier, c’est la parole, c’est chercher tous les points qui mènent à la paix. C’est inadmissible qu’il y ait des morts, ce monde est atroce, et je sais très bien que les armes ne sont pas du tout la solution.

Comment avez-vous réagi à votre suspension et aux accusations de prosélytisme ?

J’ai reçu en recommandé mon arrêté de suspension de quatre mois jusqu’à nouvel ordre. C’est surprenant et décevant. Après plus d’un quart de siècle au service de l’Etat, on m’accuse de prosélytisme. Je pense qu’eux-mêmes ne sont pas convaincus de leur décision et ils n’ont pas de quoi corroborer cette dernière qui est abusive et infondée. C’est impossible qu’ils aient un seul élément me mettant en cause, j’ai un parcours simple et direct, comme un segment. Je ne m’immisce pas dans la vie des gens, je suis ouvert au débat. Mais honnêtement, ma personne ne m’intéresse pas beaucoup, je n’ai pas beaucoup d’importance. Ce qui est important et essentiel pour moi aujourd’hui, c’est la mosquée et ses fidèles.

Comment les fidèles et membres de l’association ont réagi à cette affaire ?

Nous sommes déçus, tout ceci n’est que tapage inutile, nous voulons juste nous occuper de l’éducation de nos enfants, nous sommes des petites gens qui n’avons fait de mal à personne. Ce qui nous a choqués, c’est la fermeture de la mosquée. Ils disent eux-mêmes dans leurs écrits que nous sommes environ 500 fidèles, cela aurait été plus judicieux d’écarter les personnes visées sans fermer la mosquée. Là, ils ont puni tout le monde, c’est illogique et pas forcément raisonnable. Au lieu de cibler deux adversaires, ils ont ciblé toute la communauté musulmane de Torcy et même toute la communauté dans son ensemble. Car aujourd’hui, c’est la mosquée de Torcy, mais il y en a eu avant nous et il y en aura après.