Le syncrétisme architectural de la Grande Mosquée, érigée au IXème siècle par Okba Ibn Nafâa, offre chaque année l’écrin idoine à cette veillée particulière de la nuit du 26 au 27 Ramadan. Nuit la plus sacrée du mois saint, au cours de laquelle le Coran a été révélé au Prophète Mohammed (SAWS), Laylat al-Qadr revêt Kairouan d’une aura de spiritualité, encore plus prégnante qu’à l’accoutumée. Hier soir, quelque 50 000 fidèles – dont un grand nombre n’a pu s’installer à l’intérieur de l’enceinte, faute de place – ont assisté à la traditionnelle cérémonie religieuse, qui a débuté par une conférence théologique sur les valeurs de modération et de tolérance prônées par le Coran et par la Sunna. « L’Islam est une religion qui incite à la charité, à la solidarité, au rejet de la violence et du fanatisme, et à la méditation », a martelé un spécialiste de l’Université Zitouna de Tunis. Le jeûne du mois de Ramadan, a-t-il rappelé, est l’occasion pour le musulman de se réconcilier, avec soi-même et avec les autres, et d’apprendre à maîtriser ses envies personnelles comme les situations de la vie quotidienne susceptibles de dégénérer en comportements agressifs. « Je suis très heureux d’être ici à Kairouan, ce soir, pour célébrer Laylat al-Qadr dans ce site musulman le plus prestigieux du Maghreb », confie Ali, un Tunisien de 54 ans venu de France pour passer Ramadan en famille en Tunisie. « Cette ambiance de piété et de sérénité est unique », commente-t-il.

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Hassan, un des gardiens de nuit de la Grande Mosquée, n’est pas peu fier d’être le spectateur privilégié de cette soirée et dans ce lieu si particuliers. Tel un guide attitré, il décrit la mosquée comme « le plus grand musée de chapiteaux byzantins et romains jamais réunis dans un monument musulman (…). Par la richesse de ses ornements, la diversité de ses formes architecturales, par sa maqsoura, son minbar, son mihrab, la Grande Mosquée de Kairouan représente un important monument d’architecture et d’art islamiques ». La grande cour de la mosquée a été partagée en deux : deux tiers réservés aux femmes, l’autre tiers aux hommes. Des femmes qui, par leur présence massive, ont marqué cette célébration. Nouria, 36 ans, venue de Tataouine avec son mari et son fils de 8 ans, a exprimé son éblouissement face à la venue de milliers de personnes pour la cérémonie. « C’est la sixième fois que nous visitons Kairouan, et toujours pour prier dans cette Grande Mosquée », indique la mère de famille qui se dit « fascinée » par l’explosion de motifs floraux et géométriques taillés dans le marbre fin du mihrab, la niche qui indique la direction de la Mecque.

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Organisée par la municipalité de Kairouan, la cérémonie a aussi dû sa réussite à la haute surveillance policière, qui a quadrillé les entrées de la ville et le quartier de l’édifice. Et dans trois jours, ça sera le tour de « la nuit du Doute », au cours de laquelle tout le monde guette l’annonce du Mufti sur le jour de l’Aïd El Fitr. Les familles musulmanes s’empresseront alors de donner l’aumône obligatoire, dite « Zakat al-Fitr » aux indigents. Et de dire au revoir au mois béni de Ramadan.