Le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a vanté les mérites de la nouvelle loi antiterrorisme hier. « La loi que nous avons faite nous permet (…) surtout de prévenir un certain nombre d’attentats », a t-il assuré dans une interview sur BFM TV le 1er novembre.

Selon lui, l’instauration du régime d’exception — qui aura duré 719 jours et a été renouvelé six fois — aurait permis d’éviter 32 attentats depuis 2015. 

« Le droit commun est suffisant contre la menace terroriste. Et en réalité la trentaine d’attentats a été déjouée grâce à la justice ordinaire », contredit Vanessa Codaccioni, spécialiste de la justice antiterroriste et maîtresse de conférences à l’université Paris 8. 

Dans le même temps, Gérard Collomb n’a pas exclu que l’état d’urgence soit un jour réintroduit.

En effet, alors que la journaliste de BFM TV évoquait le dernier attentat à New York et demandait au ministre si l’état d’urgence pourra être réinstallé un jour, celui-ci à déclaré : « S’il y avait un meurtre de masse, comme ce qu’on a pu connaître au moment du Bataclan, c’est possible qu’on soit obligé de le remettre. Si la situation devenait extrêmement dramatique, nous pourrions revenir à cet état d’urgence. » C’est à se demander à quoi peut bien servir la dernière et énième loi antiterroriste adoptée par l’Assemblée nationale.

Pour la magistrate Laurence Blisson, cette batterie de mesures sécuritaires aura conduit à instaurer la suspicion permanente envers les musulmans et défait l’état de droit.

 « L’état d’urgence n’a pas disparu, il s’est dédoublé »

« Avec les propos de Gérard Collomb, on voit que finalement l’état d’urgence n’a pas disparu et qu’il s’est même dédoublé. En effet, l’état d’urgence de la loi de 1955 est toujours mobilisable comme le souligne le ministre. Mais nous avons aussi celui de la nouvelle loi, dans lequel des mesures répressives sont passées dans le droit commun », explique, elle, Vanessa Codaccioni. 

A chaque attentat, les autorités ont jugé nécessaire de prendre de nouvelles mesures, comme la fait le gouvernement de François Hollande en 2015, rappelle également l’auteure du livre « Justice d’exception » (CNRS Éditions).

« Depuis la guerre d’Algérie, des dispositions de l’état d’urgence ont été ajoutées ou supprimées comme le contrôle de la presse. Ainsi on pourrait inventer encore d’autres dispositions. A chaque attentat, on met en place une nouvelle législation. On est en train de créer un ‘monstre’ anti terrorisme et le processus est irréversible », s’inquiète t-elle. 

La sécurité, un enjeu de communication

Hier, accompagné par le Premier ministre Edouard Philippe, Gérard Collomb a aussi tenu à s’afficher au pied de la Tour Eiffel, pour rassurer les Français et montrer que les forces de sécurité sont toujours présentes. 

« La sécurité est devenue un enjeu politique et de communication. Pendant la campagne il fallait absolument que tous les candidats se positionnent sur les questions liés à l’antiterrorisme pour ne pas paraître laxistes. Mais malheureusement le risque zéro n’existe pas et rien ne dit que ce qu’on fait actuellement est efficace », souligne Vanessa Codaccioni.