Ce samedi, à l’occasion du week-end de Pâques, François Fillon sera au Puy-en-Velay, ville départ d’un des chemins de Compostelle. « Le week-end de Pâques est un moment important pour les catholiques. Il est donc logique que François Fillon se rende au Puy-en-Velay, qui est un haut lieu du catholicisme », indique au Monde Vincent Chriqui, le directeur de campagne du candidat des Républicains. Avec les nombreuses affaires judiciaires dans lesquelles il est empêtré, on avait presque oublié que François Fillon avait misé, lors de sa campagne pour la primaire de la droite et du centre, sur le christianisme. A un peu plus d’une semaine de la présidentielle, Fillon — que Laurent Joffrin avait affublé d’un surnom provocateur, celui de « Tariq Ramadan des sacristies » — fait donc un retour aux sources pour draguer les 4,5 % de Français catholiques pratiquants qui pourraient, en cas de vote massif pour Fillon, faire basculer le premier tour.

60 % des Français se réclament du catholicisme

Fillon l’a compris depuis longtemps. Et il fait figure de précurseur. En 2012, le christianisme n’avait pas été abordé lors de la campagne présidentielle. Cinq ans plus tard, il est de nouveau au centre des débats. Qu’est-ce qui a changé ? Bernadette Sauvaget, journaliste spécialiste des question de religion chez Libé, a sa petite idée sur la question : « 2012, c’était avant la Manif pour tous, qui est l’événement fondateur qui a changé la donne. Depuis cette date, les réseaux catholiques identitaires se sont organisés. » Voilà plusieurs années que le débat sur l’identité a fleuri, jusqu’à porter ses fruits à l’occasion de la primaire de la droite et du centre. Fillon veut ratisser large. « C’est lié à de nombreux paramètres, mais Fillon a joué au-delà de l’unique cercle des pratiquants », estime la journaliste de Libé, qui rappelle que, s’ils sont entre 3 et 5 millions de Français à affirmer pratiquer leur religion chrétienne, 60 % des Français se réclament aujourd’hui du catholicisme. On est donc au-delà du religieux. Bernadette Sauvaget définit ce phénomène en parlant de « catholiques culturels, qui ont émergé depuis dix ans avec notamment la montée de l’Islam en France. »

Pourquoi François Fillon a-t-il, dans cette primaire, appuyé sur son côté catho alors qu’il n’avait jamais vraiment voulu en parler auparavant ? Dans l’entourage du candidat, on explique que l’influence de sa conseillère en communication a été forte. « Sois toi-même », lui aurait asséné sa conseillère, suggérant au candidat à la présidentielle de ne plus nier ses racines cathos. Une identité révélée, mais aussi une stratégie. « Les catholiques pratiquants représentent 15 % de l’électorat de droite », rappelle Bernadette Sauvaget, qui voit donc dans ce « coming-out » religieux un véritable enjeu électoral. Mais, explique-t-elle, pour la campagne présidentielle, « après avoir joué la carte de l’identité face à la diversité prônée par Juppé, Fillon a remis son fanion dans la poche. »Jusqu’à ce week-end de Pâques, donc. La religion catholique revient aujourd’hui dans le débat présidentiel, et ce n’est que le début. « Cela ne fait que commencer, assure la spécialiste des questions religieuses. Une force réactionnaire s’est mise en marche, et elle devrait peser dans la société » lors des prochaines échéances électorales.

L’électorat catholique veut peser

Pour preuve : Valeurs actuelles dont les ventes ont explosé. Là encore, non pas seulement grâce à des catholiques pratiquants, mais grâce à ces « cathos culturels » qui ont pour la plupart été séduits par le discours réac du magazine. Même Jean-Luc Mélenchon a tenté de se mettre dans la poche les chrétiens le dimanche des Rameaux, journée qui célèbre l’entrée de Jésus à Jérusalem. Le candidat de la France insoumise était alors apparu devant ses sympathisants à Marseille un rameau à la main et une branche d’olivier à la boutonnière. Tout un symbole. Aujourd’hui, l’électorat catho veut peser et espère avoir un candidat qui saura rappeler les racines chrétiennes de la France face à la montée de l’Islam. Et ce n’est pas parce que les pratiquants ne sont plus que quelques millions que les catholiques ne sont pas déterminés à influencer les débats. « Nous sous-estimons notre capacité d’influence », explique ainsi l’abbé Grosjean, responsable des questions politiques, de bioéthique et d’éthique économique pour le diocèse de Versailles sur Padreblog. Le prêtre en est sûr : « Nos adversaires ont peur de ce que nous représentons. »