Dans « Comprendre l’islam politique : une trajectoire de recherche sur l’altérité islamiste 1973-2016 », aux éditions La Découverte, François Burgat s’était déjà exprimé sur les fondements et les contours de son amitié avec Tariq Ramadan. Au lendemain de « l ‘affaire », dans une interview en trois parties, il revient longuement sur les termes de ce qui a parfois été qualifié — à tort — de « soutien inconditionnel » à l’intellectuel musulman pendant ses dix mois de détention provisoire. Retour sur la trajectoire  de Tariq Ramadan, sur les ressorts apparents et cachés, nationaux mais aussi  internationaux  de cette hostilité quasi unanime que ses engagements citoyens ont toujours suscité,  de la part du spectre politique français tout entier, des élites autoritaires mais également des gauches arabes,  du côté de Tel-Aviv également et sur les conséquences récentes des profonds remous de sa trajectoire personnelle.

LeMuslimPost : Vous dites ne pas être en accord avec Tariq Ramadan « depuis l’intérieur d’une foi » parce que cette foi « n’est pas la vôtre », mais l’être sur l’affirmation des droits des musulmans européens et sur leurs revendications. Tariq Ramadan est-il selon vous un homme politique autant, voire plus, qu’un théologien ?

François Burgat : N’étant moi-même ni musulman, ni vraiment croyant, il n’a jamais été question pour moi de suivre et encore moins de cautionner ou de critiquer Tariq Ramadan sur le terrain de la foi ou même seulement sur celui de l’interprétation de cette foi, c’est-à-dire des constructions exégétiques qu’il produisait pour légitimer ses combats. Je ne me suis donc jamais pris, comme tant d’autres « experts » non musulmans, pour un « mufti » autorisé à dire le « bon Islam » ou à dénoncer le mauvais.

« Je n’ai suivi Tariq Ramadan que sur le terrain de son engagement politique ou, plus précisément, de ses engagements citoyens »

Je ne souhaite d’ailleurs logiquement pas être considéré comme un « islamologue ». D’abord bien sûr parce que je n’en ai pas le savoir. Mais plus encore parce que je refuse que l’univers de l’islamologie soit érigé en axe de mon engagement citoyen et moins encore en limite de ma démarche d’analyse. A mes yeux, l’approche « islamologique » des turbulences du monde aboutit en effet à méconnaître le fait que le comportement des acteurs que l’on identifie (ou que l’on criminalise) comme autant d’« islamistes » n’est pas déterminé prioritairement par les préceptes du dogme dont ils se réclament mais beaucoup plus banalement par la configuration sociale et politique dans laquelle ils évoluent. Je considère que c’est là le cœur du dispositif analytique de tout le phénomène islamiste. Pour le non-musulman que je suis, comme d’ailleurs pour Olivier Roy ou d’autres, « l’Islam » n’est rien en effet que « ce que les musulmans disent qu’il est. » Or je crois ces musulmans parfaitement capables de faire évoluer, sans limite ou presque, les expressions sociales, les mu’amalat, de leur foi. Il ne m’apparaît donc que très peu profitable de revendiquer une connaissance positive, forcément figée et réductrice, de « l’Islam ». Et si l’étude des règles qui régissent l’environnement des musulmans et conditionnent pour partie leurs modes d’actions en politique doit impérativement concerner la composante non-musulmane de cet environnement, celle-ci est parfaitement étrangère à la connaissance ou à l’interprétation de l’Islam !

C’est pour ces raisons que je n’ai suivi Tariq Ramadan que sur le terrain de son engagement politique ou, plus précisément, de ses engagements citoyens. Je l’ai fait non point pour m’ingérer dans les affaires des musulmans ou me substituer à eux mais bien parce que je considère que ces engagements touchent très directement au vivre-ensemble collectif. Et qu’ils concernent donc de près chacune et chacun de nous, en France, en Europe ou dans le monde.

Pourquoi la personne de Tariq Ramadan a-t-elle cristallisé une telle opposition ? Quels sont les intérêts de ses différents adversaires ?

Pour cerner la place et le rôle de Tariq Ramadan, avant de revenir à sa personne, et bien sûr à l’« affaire », il faut à mon sens accepter d’abord de s’en éloigner. Décrypter l’origine de cette violence pas seulement médiatique, très exceptionnelle et si parfaitement unanime dont il a été la cible, exige de prendre le temps de démêler l’écheveau très intriqué de ses détracteurs de toutes origines. Le faire revient à se demander pourquoi les cerveaux se débranchent et les tripes prennent le pas dès lors que sont mentionnés les noms de Tariq Ramadan et, plus largement, de ceux à qui il est plus ou moins consciemment (et plus ou moins justement) associé – les « Frères musulmans », ou plus largement encore les « islamistes », ou simplement, depuis peu, le « Qatar ». Pourquoi la criminalisation indistincte des Frères musulmans ou des individus et des pays réputés refuser de les criminaliser fait-elle, tout particulièrement en France, l’objet d’un quasi-consensus ?

« Les porte-voix de l’’anti-islamisme primaire’ sont étonnamment nombreux »

La réponse n’est pas simple. En France et en Occident d’abord, au Proche-Orient ensuite, les porte-voix de ce que j’appelle l’« anti-islamisme primaire » sont étonnamment nombreux. Et ils viennent d’horizons très diversifiés. Certains ne sont mus que par les peurs irraisonnées nourries par la méconnaissance, mais d’autres le sont par des calculs aussi lucides que cyniques qui cultivent sciemment ces ignorances. En France, dans la quasi-totalité du spectre politique, de l’extrême droite aux profondeurs de la gauche socialiste ou communiste, des « cathos » aux « gauchos », à quelques oasis près, le rejet plante ses racines dans un large spectre de motivations. Elles vont du prétexte de l’expulsion du religieux de l’espace public, à gauche, jusqu’à, à droite, une banale concurrence de dogmes. Surtout, à gauche comme à droite, moins souvent assumé explicitement mais infiniment plus central, sévit une sorte de mal-être postcolonial. Chez les non-musulmans, ce rejet surfe d’abord sur les peurs, pas nécessairement illégitimes, des inconnues du vivre ensemble planétaire, mais aussi et sans doute surtout sur les rancœurs irrationnelles suscitées par l’affirmation postcoloniale des ex-colonisés musulmans. Il est donc porté par cette conjoncture « décoloniale » très émotionnelle où la rive occidentale du monde a le sentiment de perdre le « monopole d’expression de l’universel » que son hégémonie culturelle et politique, coloniale d’abord, impériale ensuite, lui avait donné un temps l’illusion de posséder.

Les cibles de cette animosité irrationnelle, les islamistes, portent bien évidemment une partie de la responsabilité des passions qu’ils suscitent. Les acteurs de la (toute petite) frange extrémiste du courant sont bien sûr les meilleurs alliés des contempteurs de son écrasante majorité, qui ne l’est pas. Il va de soi que les « islamistes » dans leur ensemble – contrairement à ce que certains voudraient me faire dire – n’ont bien évidemment pas « tout le temps raison », tant s’en faut. Et même les membres de la très majoritaire aile légaliste savent bien évidemment, qu’ils soient dans l’opposition ou au pouvoir, commettre des erreurs ou même des fautes en tous genres comme n’importe quels autres acteurs politiques. Mais, en matière de violence politique, les nuances nécessaires et les débats les plus légitimes ne sauraient conduire à nier, voire à inverser, la hiérarchie des causalités ou des responsabilités : dans le monde arabe contemporain, ceux qui doivent être réformés, ce sont bien les bourreaux – notamment ceux de l’ignoble massacre de la place Rabia au Caire en août 2013, héritiers des commandos de la mort mis en œuvre par tant de leurs prédécesseurs d’Alger à Damas en passant par Bagdad – et pas leurs victimes ! Il est donc important de comprendre que si ces bourreaux peuvent agir et se pérenniser dans une si parfaite impunité, c’est non seulement à cause de leur usage immodéré de cette violence, qu’ils attribuent par ailleurs à leurs opposants, mais aussi grâce à la puissance et à l’efficacité de la propagande qu’ils développent à leur encontre. Venons-en donc maintenant à l’essentiel : quelles sont les racines de cette efficacité ?

On l’oublie trop souvent, les acteurs occidentaux de la criminalisation émotionnelle des islamistes peuvent compter sur de très solides partenaires… orientaux. A l’international, au Maghreb comme au Proche-Orient, fût-ce de la part d’acteurs différents, le prurit anti-islamiste fait les mêmes dégâts dans la compréhension rationnelle des dynamiques en cours. L’entreprise mobilise donc beaucoup de monde ! Le « capital » ou le potentiel répulsif émotionnel produit par la génération islamiste est en effet convoité et instrumentalisé par de nombreux acteurs, surtout étatiques, ce qui complexifie considérablement les choses. Dans le puissant camp d’Israël ou de ses défenseurs inconditionnels bien sûr, mais tout autant dans les rangs des adversaires les plus déterminés de l’État hébreu, « les Frères » ou les « islamistes » et parfois le « Qatar » sont devenus, on va le voir, les marqueurs sémantiques de l’altérité oppositionnelle la plus passionnelle.

Qui donc sont ceux qui redoutent tant « les Frères » ?

On trouve d’abord une large partie au moins des militants des gauches arabes d’opposition et parfois de pouvoir. Ceux-là n’en finissent pas d’exporter en Occident une version tronquée, plus valorisante pour eux, de la bataille qu’ils ont perdue non seulement  contre les pouvoirs établis mais contre leurs concurrents islamistes dans leurs enceintes nationales respectives. Or, il se trouve que ces héritiers des vieilles gauches nationalistes sont les interlocuteurs privilégiés – voire quasi exclusifs – des sociétés civiles comme des chancelleries occidentales. Avec les membres des minorités chrétiennes, ils tendent ainsi à monopoliser de facto le rôle des précieux « native informants » du Sud. C’est à eux que l’Europe – à l’exclusion de tout opposant islamiste – attribue le monopole de représentation des « sociétés civiles » arabes. Ce sont eux qui forment ainsi le noyau dur de cette toute petite minorité qui dans la langue et avec le lexique que comprennent les Occidentaux, leur disent « ce qu’ils ont envie d’entendre ». Exemple entre beaucoup d’autres, le Français Jean-Luc Mélenchon ne décrypte les scènes politiques arabes que par le prisme déformant de ses admirateurs du tout petit « Front populaire » tunisien d’extrême gauche. Les moins exigeants – tous ne tombant heureusement pas dans ce piège – de ces rescapés de l’effondrement des gauches arabes sont ainsi devenus plus ou moins consciemment les relais actifs et efficaces de la criminalisation de leurs adversaires politiques. Et de façon plus dommageable, cette criminalisation s’étend à des pans entiers de leurs sociétés, ainsi qu’aux causes les plus légitimes – et les plus profanes – que défendent les islamistes.

« La guerre médiatique contre le Qatar et tous ceux, dont Tariq Ramadan, qui peuvent lui être associés, est de ce fait l’une au moins des clefs de lecture de cet unanimisme ambiant contre ‘les Frères’ »

Dans des configurations souvent inattendues, au point qu’il devient particulièrement difficile de les décrypter, il arrive que « nos amis laïques » reçoivent l’appui paradoxal mais décisif de ces dictateurs qu’ils ont longtemps combattus et auprès desquels bon nombre d’entre eux, confrontés à l’effondrement de leurs résultats dans les urnes, ont choisi de se réfugier. On y trouve d’abord les titulaires des régimes autoritaires de la première génération pré-printanière, tel l’inusable Bouteflika. De Rachid Boudjedra à Kamel Daoud en passant par Boualem Sansal et Yasmina Khadra, le système algérien n’en finit pas d’exporter en France et dans le monde ses (brillants) écrivains « éradicateurs ». Il n’est par exemple que de (re)lire la teneur des attaques contre François Gèze, alors patron des Éditions La Découverte, du vrai écrivain mais tout aussi vrai « commandant » Yasmina Khadra, pseudonyme de Mohammed Moulessehoul [1], pour prendre la mesure de la supercherie que constitue jusqu’à ce jour l’alibi littéraire ou artistique des communicateurs de l’indéboulonnable junte d’Alger. Au-delà de leurs querelles intestines, tous sont demeurés redoutablement actifs, la poussée djihadiste ayant donné à leur posture une plus-value inespérée.

Cette première génération est également représentée aujourd’hui par les officines de Bachar al-Assad, massivement relayées par l’appareil de communication du Hezbollah et ses relais « aounistes », tel René Naba, et la cyberlogistique de Poutine. Après une phase de confusion, l’Arabie et ses alliés ayant fugitivement soutenu l’opposition syrienne contre un régime perçu avant tout comme acquis à Téhéran, la nouvelle génération des émules régionaux de Mohamed Ben Salman ou Abdelfatah Sissi les ont rejoints. Sur ce terrain de l’action des élites dirigeantes arabes contre les Frères musulmans, dans les rangs desquels militent les plus populaires et donc les plus redoutables de leurs challengers, une page particulière a été ouverte en juin 2017 : le « quartet » mené par l’Arabie saoudite (Émirats, Bahreïn et Égypte) a alors décidé de faire payer au « vilain petit Qatar [2] » le prix de son alignement sur cette dynamique révolutionnaire portée en grande partie par les Frères. Le « Qatar bashing » a alors atteint une violence sans précédent. La défense de l’aventure guerrière saoudienne au Yémen, à laquelle Doha avait pourtant accepté un temps de s’associer, a fourni un ultime terrain où les Émiratis, aux côtés de Riyad, sont particulièrement actifs… et imaginatifs. S’ajoutant à un embargo terrestre strict, la guerre médiatique contre le Qatar et tous ceux, dont Tariq Ramadan, qui peuvent lui être associés, est de ce fait l’une au moins des clefs de lecture de cet unanimisme ambiant contre « les Frères ».

Cette coalition déjà fort puissante reçoit enfin le soutien d’un acteur absolument décisif, à savoir la formidable machine de la communication israélienne. Depuis l’affirmation du Hamas sur les décombres de l’OLP au début des années 1990, les objectifs et les méthodes des services arabes et israéliens font en effet cause commune contre un adversaire baptisé opportunément « fondamentalisme musulman ». L’entente est facile puisque l’appellation désigne, à peu de chose près, le spectre tout entier de ceux qui… souffrent de leur autoritarisme ou de leur bellicisme !

On sait la sophistication des méthodes israéliennes et de leurs aveugles relais occidentaux lorsqu’il s’agit de transformer en « terroriste » ou en « antisémite » tous ceux qui se hasardent à dénoncer moindrement les ressorts de leur propagande, méthodes bien connues de l’auteur de ses lignes [3]. Celles-ci n’ont d’égal que le talent à transformer en vedette médiatique ou en best-seller les plus indigents de ceux, ou plus encore de celles, qui alimentent depuis la rive musulmane la critique des islamistes. La version anglo-saxonne de l’action de ces lobbies a fait, en novembre 2018, l’objet d’une nouvelle description approfondie dont les résultats sont particulièrement impressionnants : « Peu importe que les accusations relayées relèvent d’un mensonge. C’est une guerre psychologique, constate Alain Gresh, qui a mis en ligne le documentaire sur la question produit par la chaîne Al-Jazira (mais non diffusée par elle, par autocensure). Le lobby a abandonné le terrain des idées. Pourquoi essayer de convaincre du bien-fondé de l’occupation quand on a le pouvoir de faire taire ses adversaires [4] ? »

Aujourd’hui, les acteurs de cette puissante coalition évoluent dans des configurations internes ou régionales très inattendues. Il y a celle d’abord de la longtemps impensable mais désormais bien réelle alliance anti-iranienne entre Israël et plusieurs monarchies du Golfe, dans le prolongement d’une coopération engagée de longue date entre la communication israélienne et les porte-parole maghrébins de la ligne « éradicatrice ». En fait, la jonction opérée entre Israël et les élites autoritaires arabes ne date pas des initiatives récentes de MBS. Au lendemain des premiers attentats suicides menés par le Hamas en mars 1996, la « féministe d’État » algérienne Khalida Messaoudi, « opposante » de la junte vite transformée en indéboulonnable ministre de la Culture des généraux, était venue en Israël lancer sur les ondes un fondateur « appel au monde libre » contre le « terrorisme » pour « sauver la paix ». Quelques jours plus tard, au « sommet antiterroriste » de Charm el-Cheikh en mars 1996 (qui allait formaliser cette coopération), en compagnie de Boris Eltsine et des ambassadeurs d’un échantillon des régimes les plus répressifs de la planète, le représentant d’une junte algérienne passée maîtresse dans la manipulation de la terreur allait à son tour revêtir la tunique de la bien-pensance en dénonçant le « terrorisme qui menace la paix ».

Plus nouvelle est la configuration qui voit se développer la coopération entre certains salafistes et plusieurs des dictateurs post-printemps : ainsi de l’alliance  que Sissi a noué avec le Hizb al-Nour (soutenu par Riad),  de la mobilisation par l’Emirati Mohamed Ben Zayed des milices salafistes qui l’aident à se tailler au Sud Yémen un empire commercial, ou de ces très radicaux madkahlistes qui en Libye combattent – avec le soutien du Caire et la bénédiction de Paris – dans les rangs de l’aspirant dictateur Heftar.

Enfin, plus récemment, la « coopération anti-islamiste » a pu prendre des tournures plus inattendues encore, inspirées de celles de l’Algérie pendant sa « décennie noire » : le recrutement par les officines émiraties de propagande anti-Frères d’hommes politiques, de journalistes ou de polémistes français et européens. Cette bien réelle coopération nous a valu notamment l’improbable spectacle d’un Ian Hamel – le fer de lance du lynchage de Tariq Ramadan  dans les colonnes du Point – jouant sur un plateau de télévision cairote le rôle de faire valoir d’Abdelfatah Sissi, le champion « anti-Frères »  des émiratis, dans une mise en scène dérisoire destinée à redorer son blason international [5]. Outre son manque parfois risible de nuance et de crédibilité, la signature de la propagande émiratie [6] se repère à la focalisation obsessionnelle de ses attaques contre le Qatar, au détriment de toute allusion au rôle saoudien. Même moins subtil et moins efficace que celui de ses prédécesseurs algériens ou maghrébins de la décennie écoulée, l’orchestre de l’« antifrérisme » reçoit ainsi depuis peu des monarchies absolutistes du Golfe un apport financier quasi illimité. La coalition des peurs et des stratégies occidentales israéliennes et arabes, dont l’objectif prioritaire est ce discrédit émotionnel des acteurs de la génération de l’islamisme « modéré », se révèle ainsi particulièrement imposante. Et, bien sûr, sans surprise, particulièrement puissante.

[1] Voir Yasmina Khadra (« L’Imposture des mots », Julliard, Paris, 2002), dont l’unique objet est de dénoncer tout le mal qu’il a subi de la part des Éditions La Découverte, coupables à ses yeux d’avoir, un an plus tôt, publié le témoignage d’un militaire dissident qui révélait (Habib Souaïdia, « La Sale Guerre ») cette sauvagerie — qu’il avait lui-même occultée — déchaînée par la junte algérienne à partir de 1992 contre les insolents vainqueurs du Front islamique du salut. Circonstance aggravante, le succès du livre de Souaïdia avait contribué à occulter « L’Écrivain », où Khadra révélait son identité d’officier dans l’armée algérienne.

[2] Pour reprendre le titre de l’un des pamphlets qui ont ciblé l’Emirat à partir du début du printemps arabe : Nicolas Beau et Jacques-Marie Bourget, « Le vilain petit Qatar. Cet ami qui nous veut du mal », Fayard, Paris, 2013.

[3] Voir Baudouin Dupret, « L’islamisme à l’université ou l’inquisition à L’Obs ? », Mediapart, 20 décembre 2018.

[4] Cité par Mathilde Blottière, « Lobby pro-israélien aux Etats-Unis: ‘Au fond, Israël se fiche de l’antisémitisme’ », Télérama, 25 novembre 2018.

[5] Hamel y est en bonne compagnie. L’un des participants de l’émission est l’ex-député Abderrahim Ali, fugitif intervenant dans diverses actions émiraties organisées en France notamment par un « Centre d’études sur le Moyen-Orient » (voir la vidéo sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=iCS2kbmfFGI&feature=youtu.be)

[6] Qu’au risque de se discréditer plus complètement, le polémiste Mohamed Louizi ne craint pas de relayer, appelant la France à réagir pour éviter l’« hiver islamiste » tombé selon lui sur les pays arabes. La signature émiratie de sa campagne se manifeste également lorsque, alors qu’il tente très sérieusement de faire passer Hakim El Karoui pour un dangereux « frériste », il s’abstient d’imaginer d’autres influences étrangères que celle du Qatar.