Une sociologue franco-turque estime que la France pratique une politique dangereuse vis-à-vis de l’Islam, qui pourrait conduire à faire des musulmans des « ennemis intérieurs. »

La France est « une terre paradoxale, d’élégance et d’ambiguïtés; pas un pays manichéen qui pratiquerait le scénario de la catastrophe. » Nilüfer Göle est franco-turque, chercheuse à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Dans Slate, elle livre une interview sous forme de constat : pour elle, « la France est avec l’islam dans la même situation que la Turquie il y a dix ans. » Et si elle ne prend pas en compte les erreurs commises par la Turquie, la France risque de le payer cher. Selon la chercheuse, l’Hexagone « refuse d’apprendre d’un pays qui n’est pas son ’’égal’’ d’autant que c’est un pays musulman pour lequel elle éprouve une antipathie profonde. » On l’a bien vu lors des dernières élections en Turquie.

« Si tu n’es pas avec moi, tu es l’ennemi »

Or, estime Nilüfer Göle, la France applique les mêmes méthodes que la Turquie du début du siècle… « On y voit l’islam comme une affaire religieuse alors qu’il devient une affaire publique, de mœurs et de normes », résume-t-elle. La Franco-Turque souligne que la communauté musulmane française veut simplement vivre, avec son identité. Ce que les autorités ne comprennent vraisemblablement pas du tout. « Les musulmans ’’ordinaires’’ qui n’ont rien à voir avec les djihadistes terroristes cherchent à élaborer des normes, à inventer des pratiques, bref à se fabriquer une culture publique, c’est-à-dire visible, tout en maintenant leur relation à l’islam et en restant halal », dit-elle.

Autrement dit, là où la France pourrait insister sur le vivre-ensemble, elle est en train de diviser la population. Et les conséquences pourraient être graves : « Apparaît en France cette idée que nous connaissons bien en Turquie selon laquelle si tu n’es pas avec moi, tu es l’ennemi, le mal, dit la chercheuse. Or, une pensée politique construite sur l’ennemi intérieur conduit à la désinhibition puis à l’autoritarisme. » Refuser le halal, interdire le voile ou ne pas vouloir des mosquées, cela ressemble à de l’exclusion d’une partie de la population française. Et ça, la sociologue l’assure, c’est la porte ouverte à un futur difficile.

Une intellectuelle exclue du débat

« Lorsque, dans les années 1990, j’expliquais que la question du voile était débattue en termes quasi-similaires en France et en Turquie, personne ne voulait m’entendre », rappelle Nilüfer Göle. Aujourd’hui, elle n’est toujours pas écoutée. Pourtant, les questions d’Islam, elle les connaît. Nilüfer Göle avait, au moment du projet de loi contre les signes religieux à l’école, signé une pétition qui estimait que cette loi allait « desservir les femmes » et  « accentuer les discriminations en France. » Une « loi d’exclusion », selon elle, qui appelait à un débat de fond. Et l’évidence est là : on ne peut pas dire que la chercheuse ait eu tort…

Pour la sociologue Nilüfer Göle, la France est avec l’islam dans la même situation que la Turquie il y a dix ans (ici)

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