Le sujet du voile soulève régulièrement des tollés en France, pays viscéralement attaché à la laïcité, suscitant souvent l’incompréhension à l’étranger.
Il a été relancé lorsqu’un élu d’extrême droite a pris à partie une mère voilée accompagnant un groupe d’enfants venu assister à une séance du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté (centre-est) vendredi, provoquant les pleurs de son fils et l’indignation d’autres élus.
Deux Français sur trois (66%) sont favorables à l’interdiction de signes religieux ostensibles, comme le port du voile, aux parents d’élèves qui accompagnent les sorties scolaires, selon un sondage Ifop-Fiducial diffusé lundi.
La loi française interdisant d’arborer des « signes religieux ostentatoires » (voile, kippa…) à l’école, les autorités avaient demandé aux accompagnateurs de sorties scolaires de ne pas en porter. Mais une étude du Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative française, avait ensuite relevé que les accompagnants n’étaient pas soumis à la neutralité religieuse imposée aux enseignants.
Le Sénat doit s’emparer du sujet la semaine prochaine, avec l’examen en commission d’une proposition de loi déposée par la droite.
Si le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer a rappelé dimanche que « la loi n’interdit pas aux femmes voilées d’accompagner les enfants », il a ajouté: « le voile en soi n’est pas souhaitable dans notre société », en épinglant « ce que cela dit sur la condition féminine, ce que cela dit à nos valeurs ».
M. Blanquer a été rejoint lundi par le ministre de l’Economie Bruno Le Maire et celui des Comptes publics Gérald Darmanin, issus de la droite.
« Il faut savoir quelle culture nous voulons défendre. Moi je porte une culture dans laquelle la religion reste dans la sphère intime, privée et n’a pas sa place sur l’espace public », a dit M. Le Maire.
« Je préfèrerais que les femmes en République, en France, ne portent pas le foulard », a déclaré M. Darmanin, tout en estimant que « ce n’est pas ça le problème fondamental de la République ».
Mais le sujet ne fait pas l’unanimité au sein du gouvernement, le porte-parole Sibeth Ndiaye reconnaissant des « débats ».
– Absence de ligne claire –
« Ca a été toujours des moments positifs parce que vous faites se rencontrer des femmes comme moi et des femmes qui sont voilées, qui ne vivent pas forcément dans des univers identiques et vous pouvez avoir de l’échange », et ainsi favoriser leur « inclusion », a-t-elle témoigné, en relatant les sorties scolaires auxquelles elle a participé.
Issu de la gauche comme Mme Ndiaye, le secrétaire d’Etat au Numérique Cédric O a invoqué son enfance à Villeurbanne, près de Lyon (centre-est) durant laquelle des mères voilées accompagnaient parfois les sorties scolaires. « Jamais, cela n’a posé problème. Jamais, je n’ai assisté à un quelconque prosélytisme », a-t-il insisté sur Twitter.
« C’est un débat que je ne comprends pas », souffle un autre membre du gouvernement issu de l’aile gauche. « Le voile n’est pas interdit dans l’espace public. Dans la rue ou au parc, tout enfant croise des femmes qui portent le foulard », observe-t-il encore.
Ces différences d’appréciation témoignent aussi de l’absence d’une ligne claire d’Emmanuel Macron. La France est en pleine réflexion sur la place et l’organisation de l’islam, alors que la population de confession ou de tradition musulmane a très fortement augmenté sur son territoire métropolitain depuis l’après-guerre.
C’est un sujet de crispation pour la société française, régulièrement alimenté par des cas comme le port du voile intégral, les créneaux réservés aux femmes dans certaines piscines ou la remise en cause de certains programmes scolaires.
La France s’est dotée en 1905 d’une loi instaurant la séparation de l’Eglise et de l’Etat, mettant sur pied une république laïque. Emmanuel Macron avait semblé vouloir réviser cette loi censée mieux encadrer le culte musulman.
Mais « rien ne bouge », observe un député, cadre de la majorité, selon qui « il n’y a ni le climat ni les personnalités pour avoir ce débat de façon sereine ».
Ce vide dégage de l’espace pour les oppositions. Le tout fraîchement élu président des Républicains (droite), Christian Jacob, a ainsi réclamé lundi l’interdiction du port du voile lors des sorties scolaires.