Chaque année, le débat refait surface au sein de la communauté musulmane de France. Peut-on participer aux fêtes de fin d’année ? On lit un peu partout, notamment sur les réseaux sociaux, que Noël est « haram », que le Jour de l’an est une innovation (bid’a) … Même le fait de souhaiter bonne fêtes à nos amis chrétiens serait illicite.

Ahmed Miktar, imam à Villeneuve-d’Ascq, président de l’association des imams de France et président de l’aumonerie hospitalière des Hauts-de-France, est moins catégorique. « Aujourd’hui, qu’est-ce qu’une fête », demande-t-il ? Autrement dit, Noël est-il est une fête religieuse ? « Il s’agit en réalité d’une fête païenne », indique Ahmed Mikhtar qui tempère cependant : « Si Noël est lié à la chrétienté, à la naissance du Christ, rien n’empêche le musulman de souhaiter une bonne fête de Noël à ceux qui la célèbrent. »

Mais certains pratiquants n’hésitent pas à avancer les textes sacrés pour dire qu’il ne faut pas souhaiter ou participer aux fêtes de fin d’année. Pour l’imam de Villeneuve-d’Ascq, ces textes disent en réalité l’inverse.

Comme les versets 8 et 9 de la sourate 60 du Coran, qui imposent d’être bienséants et équitables avec les non-musulmans qui ne nous « combattent pas », ne nous « chassent pas » et ne nous « expulsent pas ». Chaque année, les prêtres, évêques et même le pape souhaitent aux musulmans du monde entier un bon ramadan. Pourquoi ne pourrait-on pas souhaiter un joyeux Noël ou une bonne année ? Les textes « exigent que nous soyons bons et bienséants », affirme Ahmed Mikhtar qui résume ainsi ce débat : « Qui interdirait de souhaiter du bien à autrui ? »

Peut-on fêter Noël nous aussi ?

Reste que la question qui fait le plus débattre est celle de pouvoir ou non participer aux festivités de fin d’année, du réveillon du nouvel an à celui de Noël. Ahmed Mikhtar est là aussi catégorique : Noël est une fête familiale, conviviale, une fête qui réunit. Il n’est donc pas interdit pour les musulmans d’y participer quand ils y sont conviés par leur famille ou leurs amis. Car Noël, c’est avant tout de « rendre les gens heureux, l’occasion d’être ensemble et de partager, et qui interdirait cela ? ». L’important, souligne le responsable religieux, est de partager les valeurs humaines sans se départir de la spécificité de sa foi. En somme, on partage un moment familial, convivial si l’on y est convié tout en préservant sa foi et son identité musulmane. Et « s’il y a quelque chose qui est contraire à ma foi, je n’ai qu’à m’en écarter. »

Mais pourquoi une telle peur de fêter Noël ? Les musulmans craignent de participer à une fête religieuse. Mais « les réveillons sont plus festifs que rituels », résume Ahmed Mikhtar qui rappelle que « ceux qui pratiquent le rite vont à la messe de minuit. » S’asseoir autour d’une table pour partager un bon repas relève plutôt de la fête que de la prière. On peut donc, selon le président de l’association des imams de France, participer aux repas de fin d’année pour la simple et bonne raison que la famille et faire le bien sont encouragés, tant que nous ne sommes pas dans le domaine de la pratique du culte.