« Il n’était pas dans une manifestation ou quoi que ce soit du genre. Qu’a-t-il fait de mal? De quoi est-il coupable? », lance Yasser Shtewi à l’hôpital israélien Sheba à Ramat Gan, près de Tel-Aviv, où son fils est traité.

Cela fait plus d’un mois que sa famille et des responsables palestiniens affirment que le garçon a été blessé à la tête par des tirs de soldats israéliens lors d’affrontements le 12 juillet dans son village de Kafr Qaddoum, en Cisjordanie occupée. Depuis, le garçon n’a plus parlé, disent ses médecins.

L’émissaire de l’ONU pour le Proche-Orient, Nickolay Mladenov, a joint sa voix à la famille Shtewi pour réclamer une enquête « approfondie ».

Un responsable de l’armée israélienne assure qu’une enquête est menée en interne, mais affirme qu’aucune balle réelle n’a été utilisée par des soldats ce jour-là, que l’enfant n’a jamais été visé et qu’il pourrait avoir été blessé par une balle en caoutchouc.

« En aucun cas un soldat n’a visé ce garçon et nous comprenons qu’il semble avoir été blessé par une balle en caoutchouc », a-t-il indiqué à l’AFP sous couvert de l’anonymat.

« Comme une rivière de sang »

Kafr Qaddoum, un hameau de 4.000 habitants dont la majorité sont de la famille des Shtewi, est situé à quelques centaines de mètres d’une colonie israélienne.

Depuis le soulèvement palestinien des années 2000, la route principale reliant le hameau à Naplouse est fermée par Israël qui dit vouloir empêcher des attaques.

Régulièrement, les habitants de Kafr Qaddoum manifestent pour sa réouverture dans un scénario éprouvé: pneus brûlés et pierres lancées sur des soldats qui répliquent à coups de gaz lacrymogènes et parfois de balles en caoutchouc.

Mais le 12 juillet, les affrontements semblent particulièrement musclés. « Il y avait un niveau élevé de violence de la part des émeutiers palestiniens », a dit le responsable militaire israélien.

Selon lui, une soixantaine de Palestiniens étaient impliqués dans l' »émeute ». Et à environ 300 mètres de là, quelques Palestiniens lançaient des pierres contre quatre soldats israéliens sur une colline, ont précisé deux Palestiniens qui ont dit avoir assisté à la scène.

Debout devant la porte de la maison d’un proche, Abdelrahmane, lui, observait la scène du bas de la colline, selon eux.

Riyad Shtewi, l’un des témoins, raconte qu’il regardait les affrontements avec ses deux fils à environ 150 mètres des heurts et avoir noté la présence d’Abdelrahmane non loin.

Des images d’une caméra de sécurité d’une supérette tournée avant que le garçon ne soit blessé le montre vêtu d’un gilet noir et des tongs aux pieds. Le propriétaire se souvient lui avoir vendu une orange et une glace à l’ananas.

Peu après 14H00, Riyad Shtewi dit avoir aperçu un soldat armé se tourner vers lui. Et se met à courir avec ses deux enfants. « Nous descendions la colline quand j’ai vu qu’Abdelrahmane avait été touché… c’était comme une rivière de sang », raconte-t-il à l’AFP de retour sur les lieux.

Selon les images vidéo, Riyad Shtewi a pris le corps ramolli de l’enfant vers une ambulance à proximité.

Le responsable israélien n’a pas voulu se prononcer sur la distance séparant Abdelrahmane des heurts. L’armée « ne prétend pas que le garçon participait aux émeutes », dit-il.

Quelle balle?

L’ONG israélienne B’Tselem soutient, au terme de son enquête, que le garçon a été touché par une balle réelle, une conclusion à laquelle souscrit la famille.

Othman Mohammed Othman, un médecin palestinien qui a opéré Abdelrahmane avant son transfert dans un hôpital israélien, refuse lui de se prononcer sur le type de projectile.

Il explique néanmoins à l’AFP qu’une balle est entrée par le haut du front de l’enfant pour se fragmenter en une dizaine de petits morceaux dans son cerveau. « En 17 ans de pratique, je n’ai jamais vu une lésion cérébrale pareille ».

Le responsable israélien réaffirme: « aucune balle réelle n’a été utilisée » ce 12 juillet à Kafr Qaddoum.

Jour et nuit à son chevet, Yasser Shtewi craint que son fils ne souffre de lésions cérébrales permanentes et espère que sa santé s’améliorera.

« J’ai demandé au docteur ‘combien de temps cela va-t-il prendre? Un mois, deux mois, une année?’. Il m’a répondu: ‘je ne peux pas vous dire, je ne peux rien vous dire' ».