Souvent assimilés à de potentiels terroristes, les passagers musulmans subissaient déjà les retombées du délit de faciès. Voici maintenant qu’ils doivent, en plus, faire attention aux propos qui sortent de leur bouche. La mésaventure arrivée à Mohammad Khan, un étudiant britannique musulman de 26 ans, a de quoi déconcerter. En janvier 2016, ce diplômé de l’Université du Middlesex, au nord de Londres, a été escorté manu militari hors de l’avion de Virgin Atlantic qui devait le transporter à Atlanta, aux Etats-Unis, sur demande de l’équipage. Selon le jeune homme, interviewé par le London Evening Standard et qui s’est à présent engagé à porter plainte pour « discrimination raciale et religieuse », le personnel navigant aurait « surréagi » à d’innocents commentaires prononcés sur le 11-Septembre, tandis que l’avion commençait à rouler pour prendre position pour le décollage. Conversant poliment avec un de ses voisins, les deux hommes ont évoqué – et regretté – l’allongement du temps requis pour passer les contrôles de sécurité à l’aéroport de Heathrow. Mohammad Khan aurait alors seulement confié à son interlocuteur qu’il y avait « plus de sécurité depuis le 11-Septembre », avant de se tourner vers une des hôtesses à proximité, lui lançant : « Je parie que votre travail a beaucoup changé depuis le 11-Septembre ! ». Présentant un air « ahuri », selon Khan, l’hôtesse s’est alors entretenue avec son chef de cabine et le commandant de bord, qui a entrepris de faire demi-tour à sa place de stationnement initiale pour permettre à la police de… l’embarquer.

« Si c’était un homme blanc de 60 ans… »

« J’estime avoir été victime d’une discrimination raciale et religieuse », explique l’étudiant au journaliste. « Il s’agit d’une réaction exagérée de l’équipage face à des commentaires tout à fait innocents et inoffensifs », a-t-il tenu à préciser. Pour défendre sa position, Mohammad Khan opère une comparaison plutôt probante : « Cela ne se serait jamais arrivé si j’étais un homme blanc d’une soixantaine d’années, qui avait tenu les mêmes propos. Ca a complètement gâché mon voyage et je me suis senti humilié. » Le jeune musulman a d’ailleurs avancé un autre argument en faveur de sa suspicion de discrimination : « Virgin Atlantic ne m’a pas poursuivi pour le retard induit… Manifestement, ils savaient que j’étais totalement innocent. » La compagnie a fini par réagir officiellement, par la voix d’un porte-parole qui a tenu dans un premier temps à justifier la position de la compagnie : « Nous confirmons qu’un voyageur a été escorté par la police du vol VS103, le 8 janvier 2016, après que des clients et membres du personnel ont rapporté avoir entendu des commentaires hautement déplacés en rapport avec la sécurité. Il ne s’agit pas d’une décision que nous avons prise à la légère et même si ces incidents de sécurité sont rares, nous avons la responsabilité de les rapporter aux autorités compétentes pour assurer la sûreté et la sécurité de notre avion, de nos clients et de notre équipage. » Avant, au final, de conclure à demi-mots sur un mea culpa : « Nos équipes ont été en contact régulier avec M. Khan et ses avocats, et nous avons proposé de lui rembourser ses vols. » Dommage qu’il faille en arriver à ces extrémités pour être ainsi innocenté…