LeMuslimPost : Vous avez critiqué les incohérences des plaignantes mais également la « loyauté des services de police. » Pourquoi ? Et estimez-vous que l’enquête est faite à charge ?

Me Emmanuel Marsigny : Les plaintes déposées fin octobre 2017 pour des faits qui auraient été commis il y a huit et presque six ans sans que les plaignantes n’apportent aucune preuve auraient dû faire l’objet d’une enquête approfondie avant même que Monsieur Ramadan ne soit convoqué. Il est tout de même aberrant de n’avoir pas cherché à vérifier les accusations avant de se jeter sur monsieur Ramadan alors que le début de l’enquête démontrait déjà les incohérences, les mensonges et les doutes sérieux.

« La machine policière et judiciaire s’est emballée »

Les développements récents et le changement de version de madame Ayari sur la date des faits et l’hôtel où les faits se seraient déroulés confirment ce que je dis depuis le début. On est allé trop vite, la machine policière et judiciaire s’est emballée. Il est curieux que des éléments à décharge à la disposition de la police n’aient pas été exploités et qu’ils aient été laissés sous scellés. C’est soit de l’incompétence soit de la malveillance. Cela peut même être les deux. J’ai publiquement indiqué que j’allais pour cette raison demander que la 2e DPJ soit désaissie. C’est ce qui a été fait mais le Parquet s’est empressé de communiquer pour donner d’autres raisons. Il ne faudrait quand même pas que la défense puisse avoir raison…..

Malgré les contradictions des plaignantes, Tariq Ramadan reste en prison, notamment en raison du risque de fuite, de récidive ou du faux alibi de la réservation de vol du 9 octobre 2009… Comprenez-vous les raisons avancées pour refuser à Tariq Ramadan sa liberté ?

Arrêtez avec cette histoire de faux alibi qui n’est qu’une erreur commise en garde-à-vue en raison de l’ancienneté des faits. Au contraire, les investigations ont parfaitement démontré que le plan initial était bien celui indiqué par Monsieur Ramadan et qu’il avait été changé au dernier moment ce dont il ne souvenait plus. C’est tout à fait légitime huit ans après ! En tout état de cause, cela ne change rien puisqu’il n’a jamais contesté avoir rencontré cette partie civile. Jusqu’au changement de version de madame Ayari, qui finit de décrédibiliser complètement son témoignage, la justice a fait semblant de ne pas voir que les accusations y compris de l’autre partie civile présentaient de grandes fragilités et incohérences. Ceci est tellement vrai qu’il n’est pas répondu à nos arguments !

« La justice aurait-elle déjà tranché ? Il y a une incohérence que je dénonce »

Ce dossier est révélateur de l’application que l’on fait trop souvent en France de ce principe cardinal de notre droit qu’est la présomption d’innocence. Elle est refusée à la plupart des mis en examen alors que l’équilibre de la procédure pénale et des droits qui vont avec est justement fondé sur ce principe. S’il appartient désormais au mis en examen de prouver son innocence qu’on le dise clairement et que l’on adapte notre droit en donnant aux avocats des pouvoirs d’investigation notamment. Comment comprendre qu’alors que monsieur Ramadan est présumé innocent et que l’enquête a justement pour but de démontrer si un crime a été commis, sa détention soit motivée par un risque de réitération de l’infraction. La justice aurait-elle déjà tranché ? Il y a une incohérence que je dénonce. Quant au risque de fuite, il n’existe que pour ceux qui veulent y croire mais ne repose sur aucun élément objectif. Il s’agit d’un procès d’intention. La meilleure des garanties de représentation reste le souhait de se défendre pour prouver son innocence. Une fuite serait un aveu de culpabilité. Monsieur Ramadan n’a rien à faire en détention provisoire.

En matière de droit, cela signifie qu’il peut rester en prison jusqu’à son procès ?

En théorie oui mais cette hypothèse me semble surréaliste.

La première plaignante, Henda Ayari, a récemment modifié sa version des faits. Qu’impliquent ces changements de lieu et de date du viol supposé ?

Dans une affaire où l’accusation repose sur la seule parole de la plaignante, il faut s’intéresser d’une part à sa crédibilité, sa personnalité, et d’autre part à la crédibilité de son récit. Ce changement de version, acculée qu’elle était face aux contradictions relevées dans son récit, démontre qu’elle ne dit pas la vérité et que son récit est impossible. Elle indique de plus que quelques heures avant les faits, il tombait des trombes d’eau alors que la météo ce jour-là atteste qu’il n’a pas plu une goutte. Elle a sûrement traversé l’orage du mensonge…

« Il est préférable de courir les plateaux de télévision qu’accepter une confrontation »

Qu’en est-il d’une confrontation entre la plaignante et Tariq Ramadan ?

Si sûre de son fait, elle a refusé d’être confrontée à celui qu’elle accuse pendant la garde-à-vue. Il est préférable de courir les plateaux de télévision où vous êtes sûre de ne pas être contredite !

Concernant Paule-Emma Aline, là aussi, des éléments contredisent les déclarations de la plaignante…

Oui et ils sont nombreux ! Outre l’invraisemblance de son récit, comme le fait d’être restée plusieurs heures dans la chambre d’hôtel à attendre seule le retour de son violeur, les vérifications réalisées désormais infirment ses propos.

Tariq Ramadan sera entendu le 5 juin, cette fois pour les faits dont Mounia Rabbouj l’accuse. Que pouvez-vous nous dire sur ce dossier ?

Monsieur Ramadan n’a pas encore eu l’occasion de s’expliquer sur ces faits puisqu’il n’a pas été entendu par les juges depuis plus de quatre mois ! Il est vrai que lorsqu’il a demandé à les voir lors du débat sur sa remise en liberté le 22 mai dernier, ceci lui a même été refusé. J’ai déjà eu l’occasion de dire qu’il connaissait cette femme et que la relation qu’il avait eue avec elle n’était pas celle qu’elle avait décrite. Il est impatient de pouvoir enfin s’en expliquer mardi.

Une fois les trois plaignantes entendues par les juges, allez-vous redemander à nouveau la remise en liberté de votre client ?

Peut-être même avant.

« Tariq Ramadan n’a pas vu de neurologue depuis le 9 mars »

Dans quel état de santé et moral se trouve Tariq Ramadan ?

Il est atteint d’une sclérose en plaques. Les experts prétendent que son état de santé est compatible avec la détention sous réserve d’une prise en charge médicale pluridisciplinaire qui n’est pas assurée. Rendez-vous compte qu’il n’a pas vu de neurologue depuis le 9 mars. Son état de santé est tellement compatible avec la détention qu’il est hospitalisé depuis son incarcération. Des lésions sont apparues et sont sûrement irréversibles. Cette situation est invraisemblable et même une nouvelle expertise médicale lui est refusée. Quant à son moral, je vous laisse facilement imaginer : jeté en prison, présenté comme potentiellement dangereux, privé de visite de sa famille pendant un mois et demi, malade, empêché d’avoir accès à son dossier… la liste est longue.

Estimez-vous que l’enquête a été parasitée par les médias, qui ont notamment parlé de faits annexes à l’affaire, comme la remise en cause de ses diplômes ?

Il est évident que l’ultra médiatisation est difficilement compatible avec la sérénité dont ont besoin les acteurs judiciaires, y compris d’ailleurs les avocats. J’en veux pour preuve les déclarations de mon confrère Me Szpiner sur RTL que j’ai connu mieux inspiré et qui ferait mieux de lire son dossier plutôt que la relation qu’en fait la presse souvent d’ailleurs de manière partielle et biaisée. Est-il de son niveau de s’en prendre au défenseur de Monsieur Ramadan ? N’a-t-il rien de plus intéressant à dire sur le fond du dossier ? Il est vrai que face aux changements de version et aux mensonges de ses clientes, il est préférable d’essayer de détourner l’attention.

Est-ce que les témoignages en Belgique et en Suisse ont selon vous eu une influence sur l’enquête ?

Evidemment. Ces témoignages savamment orchestrés viennent polluer le dossier sur le thème : regardez ailleurs aussi, il y en a d’autres ! Alors qu’en Belgique il n’y a jamais eu la moindre plainte pour des faits d’agression sexuelle et que c’est monsieur Ramadan qui a été  victime d’une campagne de dénigrement visant sa vie privée et qui a pris l’initiative de saisir la justice. Quant à la Suisse, à ce jour, nous n’avons rien à part un article de journal…

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