Après avoir largement débattu avec des responsables musulmans, Gérald Darmanin les déclare désormais indésirables.
2014. La presse nordiste fait la promotion d’un débat qui a lieu à Tourcoing, non loin de Lille. Le message est clair : « L’islamophobie est un racisme ordinaire ». A l’époque, les musulmans peuvent encore, plutôt tranquillement, débattre des discriminations dont ils sont victimes. Et d’ailleurs, à l’appel du Collectif musulmans Tourcoing-Vallée de la Lys, créé un an plus tôt, plusieurs personnalités ont fait le déplacement : Marwan Muhammad, alors porte-parole du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), Raphaël Liogier, sociologue, mais aussi des personnalités politiques, parmi lesquelles un député UMP qui connaît bien la ville de Tourcoing, dont il a été maire : Gérald Darmanin.
Depuis, le CCIF est devenu l’ennemi numéro 1 de Darmanin. Désormais ministre de l’Intérieur, l’ancien maire s’est lancé dans une bataille sans non contre les organisations musulmanes. Fin 2020, en Conseil des ministres, le gouvernement avait décidé la dissolution du CCIF, qu’il accusait de faire de la « propagande islamiste ». Depuis, le CCIF a quitté la France et tente de faire entendre sa voix à l’international.
Gérald Darmanin, lui, poursuit sa croisade contre ceux dont il s’était servi auparavant pour se faire élire. C’est le cas de Hassan Iquioussen. Au moment de la décision d’expulser l’imam, Le Parisien avait révélé que Hassan Iquioussen avait acheté en 2003 une maison à un oncle de Gérald Darmanin. Peut-être un hasard. Mais le dîner, en 2014, entre l’imam et le ministre de l’Intérieur, alors que se profilaient les élections municipales, lui, ne devait pas grand-chose au hasard.
Après le CCIF, Hassan Iquioussen
Avoir des visées électoralistes et « séduire » l’électorat musulman est une pratique qui, si elle est discutable, est entrée dans les habitudes politiques. Du côté de la communauté, « cela permet de ‘négocier’ avec les candidats pour lutter contre les discriminations antimusulmanes », résume un observateur de la vie politique française. C’était bien, en 2014, le but du dîner Iquioussen-Darmanin. Mediapart révèle que celui-ci a duré deux heures, qu’il était « à vocation électorale » et qu’« une petite dizaine de personnalités de la communauté musulmane locale » avaient été conviées.
Darmanin avait alors « échangé politesses et conseils » avec Hassan Iquioussen, dans le but de « ravir les voix des musulmans de Tourcoing et les ramener dans l’escarcelle de Gérald Darmanin, en misant notamment sur l’influence du prédicateur ».
Oui mais voilà. Gérald Darmanin, arrivé au poste qu’il convoitait tant, n’a plus besoin de « se compromettre » aux côtés des responsables musulmans qu’il exècre. Après s’en être servi, il a décidé de les supprimer un par un de l’espace public. Après le CCIF, il s’est attaqué à l’imam Iquioussen.
Les responsables religieux, eux, ont certainement l’impression d’avoir servi de faire-valoir au ministre. S’ils savaient qu’ils n’étaient que des prétextes à engranger des voix, ils n’imaginaient certainement pas devenir les cibles du dirigeant politique. Reste désormais à savoir qui sera le prochain sur la liste…