Le Deferred Action for Childhood Arrival (DACA) est un programme de protection des mineurs entrés illégalement aux Etats-Unis, le plus souvent avec leurs parents. Il fut mis en place sous l’administration Obama en 2012 suite aux actions entreprises par des organisations de défense des droits de l’Homme. Ce programme accorde aux personnes bénéficiaires un sursis de deux ans — renouvelables — avec permis de travail, numéro de sécurité sociale et une protection contre toute déportation, à la condition que ces personnes soient arrivées avant l’âge de 16 ans. Néanmoins, ce répit maintenait les bénéficiaires de ce programme dans une situation précaire à cause de l’échec du « Dream Act », qui était censé faciliter l’obtention de la nationalité américaine au bénéficiaire du DACA.

La décision de Donald Trump de révoquer le DACA fait suite aux pressions exercées par dix états menés par le procureur général du Texas Ken Praxton qui, dans une lettre à son homologue fédéral Jeff Sessions, menaçait le gouvernement de poursuites en justice. Les experts estiment le nombre de personnes menacées à 800 000, l’écrasante majorité n’ayant jamais connu le pays de leurs parents et n’ayant vécu qu’aux Etats-Unis. Les personnes dont le statut expire avant le 5 mars 2018 pourront cependant faire une demande de renouvellement avant le 5 octobre 2018, mais pour celles dont le statut expire après le 5 mars 2018, elles ne pourront effectuer une demande de renouvellement et feront face à un risque de déportation par les services d’immigration.

Les patrons de Microsoft et d’Apple se mobilisent.

Pour les défenseurs des bénéficiaires du DACA, les employeurs pourront faire pression sur leurs salaires et les revoir à la baisse, voire leur refuser toute couverture sociale en les menaçant de dénonciation. Cette décision brutale pose bien des problèmes et soulève des questions d’éthique que Donald Trump semble bien ignorer. Les « Dreamers », tels qu’ils sont surnommés, sont arrivés avec leurs parents alors qu’ils étaient enfants. Comment justifier leur déportation une fois devenus majeurs ? Pour les acteurs économiques, cette décision est un non-sens total. Selon un rapport de fwd.us, qui regroupe les acteurs de la Sillicon Valley et cofondé par le patron de Facebook Mark Zuckerberg, 91 % des bénéficiaires du DACA ont un emploi. L’arrêt du programme mènerait, selon leur étude, à ce que 30 000 personnes par mois perdent leur permis de travail et donc… leur emploi. 

De son côté, le think-tank libéral Center for American Progress a estimé que l’annulation du DACA coûterait environ 433 milliards de dollars à l’économie américaine au cours des dix prochaines années. De tous les Etats américains, c’est la Californie et ses 188 000 bénéficiaires du DACA qui en souffriraient le plus. Son procureur général Xavier Becerra a d’ailleurs rappelé via son compte Twitter que si son Etat est devenu la sixième économie mondiale, c’est en partie grâce aux bénéficiaires du DACA. Il a, dans la foulée, annoncé qu’il allait poursuivre en justice l’administration Trump tout comme les Etats de Hawaii, Washington D.C, le Vermont, la Pennsylvanie, le Connecticut, l’Illinois, l’Iowa, le Nouveau Mexique, la Caroline du Nord, l’Oregon, le Rhode Island, la Virginie et le Delaware.

La levée de boucliers s’est étendue aux grandes entreprises qui ont déclaré leur hostilité à cette décision, à l’exemple du président de Microsoft Brad Smith qui, dans un entretien à la radio publique NPR, a déclaré : « Il faudra nous passer dessus. » Même son de cloche du côté de Tim Cook, patron d’Apple, qui a déclaré être prêt à défendre les membres de son personnel affectés.

L’opposition a même gagné les rangs républicains au sein du Congrès. John MacCain n’en est plus à sa première confrontation avec Trump. Dans un communiqué de presse, il déclare que « la décision de Trump d’annuler le DACA est la mauvaise approche à la question migratoire » et que « les enfants qui ont été illégalement amenés dans ce pays (les Etats-Unis) sans faute de leur part ne devraient pas être obligés de retourner dans un pays qu’ils ne connaissent pas. » 

Donald Trump avait déjà provoqué une crise interne aux Etats-Unis suite au « Muslim Ban » qui avait mobilisé la société civile américaine et mobilisé le département de la justice contre lui. S’étant déjà mis à dos les poids-lourds de l’économie américaine suite à son soutien aux suprémacistes blancs de Charlottesville, cette révocation du DACA risque de liguer les décideurs économiques contre lui et de menacer un peu plus son mandat. Dans une tentative de calmer le jeu, Donald Trump a tout de même déclaré que l’annulation du DACA n’entrerait en vigueur que dans six mois. Sauf qu’un mémo de la maison blanche invite les bénéficiaires à « utiliser le temps restant pour se préparer et organiser leur départ des États-Unis. » Comme toutes les autres décisions de Trump, celle-ci est à suivre.