La Cour Suprême de la « plus grande démocratie du monde » a entamé depuis hier des audiences pour examiner une requête collective contre le « triple talaq », une pratique musulmane controversée qui octroie à l’époux le droit de dissoudre son mariage rien qu’en prononçant trois fois de suite le mot « talaq » (« divorcée »). Les activistes indiens des droits humains à l’origine de cette procédure juridique assurent qu’il s’agit d’une pratique discriminatoire à l’encontre des femmes, d’autant qu’elle connaît une explosion ces dernières années. « Sur la base de milliers de cas, nous savons que le « triple talaq » laisse des femmes désemparées, sans toit, souvent avec des enfants dans les bras », relate ainsi une étude réalisée en 2016 par l’ONG Mouvement indien des femmes musulmanes (BMMA en anglais). Selon ce rapport, une femme sur onze – sur les 4710 interrogées pour cette étude – a subi ce type de divorce unilatéral. Toujours sur la base des entretiens menés, 92% des Indiennes interrogées désirent l’abolition de cette pratique.

Lois religieuses et lois civiles se côtoient

A la Cour Suprême, cinq juges de différentes confessions – un hindou, un sikh, un chrétien, un zoroastrien et un musulman – ont été chargés de l’examen de la demande, afin de statuer avant tout sur la constitutionnalité de la pratique et de préciser s’il s’agit là d’une question inhérente aux droits de l’Homme ou à la religion musulmane. Des pays voisins à majorité musulmane, comme le Pakistan ou le Bangladesh, ont déjà aboli le « triple talaq ». Mais en Inde, et en dépit d’une majorité hindoue, la pratique concerne toujours les 180 millions de musulmans du pays – qui représentent 14% de la population totale. Car depuis la période coloniale, il est admis en Inde que des « lois personnelles » puissent régir les relations intra-communautaires dans les domaines relatifs aux affaires privées, du mariage et du divorce à la propriété, en passant par l’héritage. Chez la minorité musulmane, les lois personnelles reposent sur la Charia. Les audiences se prolongeront jusqu’au 19 mai courant, et l’arrêt édicté dans les semaines suivantes.