Dans l’émission de France 2, « On n’est pas couché », BHL a insinué sans sourciller que les affaires DSK et du sang contaminé comportaient une grande part d’antisémitisme. Existe-t-il un complot antisémite français ?

Bernard Henri-Lévy est-il investi d’une mission ? Si personne ne le pense, ce n’est pas grave : le philosophe en est persuadé pour nous tous. Samedi soir, dans « On n’est pas couché », l’émission de Laurent Ruquier, BHL avait troqué sa chemise blanche habituelle pour un simple t-shirt. Mais l’habit ne fait pas le moine : le penseur, venu présenter son livre « L’Esprit du judaïsme » — qu’il voulait initialement sobrement intituler « Le Génie du judaïsme » —, a profité de son passage sur une chaîne du service public pour décrire une grande théorie du complot. Un complot qui toucherait tous les juifs haut placés. Car, selon Bernard Henri-Lévy, la France « ne sacre un juif roi de l’époque ou roi du système que pour mieux le honnir et, quand elle peut, l’abattre. »

DSK et l’affaire du sang contaminé…

Le philosophe n’y est pas allé de main morte : il y a, d’après lui, « une longue tradition dans notre antisémitisme qui est la tradition du crime rituel. » Explication et exemple concret, avec le cas de Laurent Fabius : BHL assure que « la manière dont on a ressorti, à l’époque pour l’ancien Premier ministre français, une histoire de sang contaminé — c’est-à-dire de crime rituel — disait quelque chose, hélas, d’une tendance dans ce pays. » Un argument fallacieux : l’affaire du sang contaminé a tué contaminé 1 350 hémophiles et tué 1 000 personnes, selon Thomas ­Sannié, le président de l’Association française des hémophiles (AFH). Laurent Fabius, alors Premier ministre, avait été mis en cause pour la gestion de ce dossier au même titre que Georgina Dufoix et Edmond Hervé, qui étaient alors respectivement ministre des Affaires sociales et secrétaire d’Etat à la Santé. Or, parmi ces trois personnes mises en cause, la seule aujourd’hui revenue à un poste à responsabilités est Laurent Fabius.

L’argument réfuté par les chroniqueurs de Laurent Ruquier, ces derniers ont demandé à Bernard Henri-Lévy si l’affaire DSK était un complot antisémite. Presque pas gêné, le philosophe a répondu sans réfléchir : « On peut se poser la question. » Après une hésitation de quelques secondes, BHL a continué son argumentaire : « Dans la façon dont une partie de la presse s’est emparée de cette histoire (…) il y avait quelque chose qui n’était pas sain. Alors est-ce qu’il y entrait ou non de l’antisémitisme, si vous me le demandez, probablement. » En voyant de l’antisémitisme partout, Bernard Henri-Lévy participe à sa banalisation. Léa Salamé résume ainsi les propos de l’écrivain : « C’est ça la faiblesse de votre texte : il faut dénoncer la montée de l’antisémitisme, et elle est réelle, mais vous l’affaiblissez en voyant de l’antisémitisme partout. »

Mégalo, narcissique, mais sincère

En effet, les actes antisémites sont toujours trop nombreux en France, comme l’a rappelé le ministère de l’Intérieur récemment. Mais citer l’antisémitisme comme une cause à des affaires comme celle concernant Dominique Strauss-Kahn ou de Laurent Fabius, sans même se poser la question de leur culpabilité ou de leur responsabilité, est dangereux. Dangereux, Bernard Henri-Lévy l’est indéniablement : non seulement, le philosophe assène des absurdités, mais le pire est qu’il y croit certainement. Comme le résume Roland Jaccard, psychologue et critique littéraire, dans le magazine Causeur, on peut reprocher à BHL « sa mégalomanie, son narcissisme, voire sa naïveté, mais pas sa sincérité. » Et c’est là qu’est le véritable souci avec le philosophe.

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