En janvier dernier, dans le journal israélien Haaretz, l’historien israélien spécialiste du fascisme, Zeev Sternhell, publiait une tribune sur son pays où, écrivait-il, « le fascisme croissant et le racisme s’apparentent au début du nazisme. » Une formule choc reprise ce week-end dans Le Monde, où l’auteur de « L’idéologie fasciste en France » se lance dans une comparaison entre le sort des juifs avant la Seconde guerre mondiale et le sort des Palestiniens aujourd’hui.

Des tribunes qui sonnent comme des avertissements : c’est bien du nazisme d’avant-guerre dont parle l’historien israélien rescapé de Pologne, puis d’Ukraine, qui a rejoint en 1951 Israël, dont il est membre de l’Académie des sciences et des lettres. Zeev Sternhell pose une question intéressante : « Comment les historiens interpréteront notre période dans 50 ou 100 ans ? »

« Un ultranationalisme semblable à celui qui a failli anéantir la majorité du peuple juif »

L’historien revient, dans ces deux tribunes dans Le Monde et Haaretz, aussi bien sur la colonisation que sur le traitement réservé aux réfugiés africains. Deux éléments qui, écrit-ils à propos des Israéliens, « sapent la légitimité morale de leur existence nationale. » Zeev Sternhell dénonce notamment les actions de certains membres de la Knesset — Miki Zohar et Bezalel Smotrich —, mais également les projets de loi proposés par la ministre de la Justice Ayelet Shaked.

Mais le spécialiste du fascisme accuse également la gauche israélienne qui, selon lui, a été « incapable de vaincre l’ultranationalisme toxique » d’une partie de la classe politique et de la population. Une idéologie « semblable à celle qui, en Europe, a failli anéantir la majorité du peuple juif. »

« Les Palestiniens sont condamnés à rester sous occupation pour toujours »

Le début du nazisme, rappelle Zeev Sternhell, a consisté « à priver les Juifs de leurs droits civils et humains » et « il est possible que, sans la Seconde guerre mondiale, le ‘problème juif’ ne se serait soldé que par l’expulsion ‘volontaire’ des Juifs des territoires du Reich », écrit l’historien, faisant un parallèle avec les départs volontaires d’Africains. Tout ceci peut-il encore exister aujourd’hui ? « Il est possible que ce soit l’avenir auquel seront confrontés les Palestiniens », résume Sternhell.

L’historien fait preuve de beaucoup de pessimisme. Selon lui, à cause du Likoud de Netanyahu, « les Palestiniens sont condamnés à rester sous occupation pour toujours. » Zeev Sternhell s’étonne que, pour le Likoud, « les Arabes ne sont pas des Juifs, ils ne peuvent donc reven­diquer la propriété d’aucune partie de la terre promise au peuple juif » alors qu’« un Juif de Brooklyn qui n’a jamais mis les pieds dans ce pays est le propriétaire légitime de cette terre. »