La France, pays d’Europe occidentale à la plus importante communauté musulmane (selon les chiffres les plus répandus, 7,5% de la population) et terrain fertile pour une extrême droite devenue la deuxième force politique, oscille à nouveau entre les dénonciations de la « stigmatisation » dont sont victimes les musulmans et la contestation de la « radicalisation ».
Le débat est revenu en force il y a quatre semaines, après l’attaque à la préfecture de police de Paris, où un employé converti à l’islam a tué quatre collègues.
Les doutes demeurent sur ses motivations mais le président français Emmanuel Macron a dans la foulée appelé à « faire bloc » face à « l’hydre islamiste ». Il dira ensuite vouloir lutter « contre le communautarisme », qu’il apparente à une sorte de « séparatisme ».
Mais où commence la radicalisation? Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a créé la polémique en citant, « parmi les signes » possibles, « le port de la barbe » ou la pratique de la prière « régulière ».
« Il faut être sérieux », ces éléments, habituels chez une partie des musulmans « ne veulent en rien dire qu’on est radicalisé », souligne Abdallah Zekri, délégué national du Conseil Français du culte musulman (CFCM), en dénonçant une « stigmatisation ».
« On mélange l’islam et l’islamisme, la pratique sociale et la doctrine idéologique », abonde Olivier Bobineau, chercheur au CNRS et auteur du livre « La voie de la radicalisation ». « On a un choc des ignorances », dit-il, qui crée à la fois « un choc des identités et un choc des émotions ».
– « Islam bashing » –
Le 11 octobre, le débat sur le voile, récurrent depuis les années 80, est relancé lorsqu’un élu du Rassemblement national (RN, extrême droite) s’en prend à une mère voilée qui accompagne une sortie scolaire.
59 % des Français considèrent le voile incompatible avec leur société, selon la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), et le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer a récemment estimé qu’il « n’est pas souhaitable dans notre société ».
« Il y a un durcissement sur la question du voile », explique Sébastien Roché, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Au final, le débat perpétuel sur le voile « formate l’opinion », souligne Claire de Galembert, sociologue spécialiste de la radicalisation, en dénonçant également certains médias qui « banalisent ‘l’islam bashing' ».
C’est dans ce climat tendu qu’a eu lieu l’attaque contre la mosquée de Bayonne (sud-ouest), revendiquée par un ancien militant d’extrême droite qui a dit vouloir venger l’incendie de la cathédrale Notre Dame de Paris perpétrée, selon lui, par des musulmans.
Cette attaque, qui a fait deux blessés graves, est « le résultat évident d’une écœurante et odieuse séquence de stigmatisation », au cours de laquelle « la parole raciste contre les musulmans » s’est « déchaînée », a estimé Jean-Luc Mélenchon, le patron de La France insoumise.
« Il y a cette ambiance, au niveau national, comme si on autorisait à déverser sa haine », confie à l’AFP Saayda, mère de famille de 37 ans de Charleville-Mézières (est) où des tags « racistes » sont apparus sur les murs du chantier de la nouvelle mosquée.
« C’est une conséquence de la stigmatisation d’une partie de la population », poursuit cette musulmane pratiquante. « C’est presque comme si ça avait été autorisé ».
La France est « l’otage de deux périls qu’il faut éviter: le communautarisme et le Rassemblement national », a résumé le président Macron dans une longue interview au magazine Valeurs actuelles, proche de l’extrême droite, dénoncée par ses opposants comme un appel du pied à cette droite dure.
« Le choix de ce support, spécialisé dans la haine antimusulmans, n’a rien d’anodin », a estimé le porte-parole du Parti communiste Ian Brossat.